Jeudi 14 juillet 2016
Un voile nuageux couvre le soleil en ce début de journée. Inutile donc de rester à Unadsdalur pour tenter de faire des photos, d’autant plus qu’une longue route nous attend avant de rejoindre notre prochaine escale.
Le long de la piste, nous croisons à nouveau le groupe de Cygnes chanteurs de la veille, ils sont aujourd’hui une cinquantaine à se nourrir près du rivage. Ici des Chevaliers gambettes, là des Grands Gravelots, plus loin des Huîtriers pies. Finalement heureusement qu’il n’y a pas de soleil car sinon nous serions tenter de nous arrêter tous les km et la piste en fait plus de 30 !
Dans un virage, posé sur un rocher au bord du fjord, un adulte de Goéland bougmestre se repose. A peine le temps d’arrêter la voiture qu’il décolle. Farouche l’animal ! Cet arrêt est l’occasion d’observer le souffle d’une Baleine à bosse.
Peu avant de rejoindre la route goudronnée, comme s’il faisait du stop au bord de la piste, se tient un bel adulte sombre de Labbe parasite. Nous arrêtons la voiture à distance mais là encore, l’oiseau décolle pour se reposer plus loin au milieu des cailloux. Le soleil fait sa première apparition de la journée, nous incitant à nous positionner à l’extérieur près de la voiture et à patienter. Pas besoin d’attendre très longtemps, le Labbe revient vers nous, nous survole avant de se poser à une quarantaine de mètres. Il mime l’oiseau blessé pour attirer notre attention, écarte les ailes, fait un petit vol, revient vers nous en marchant. Voyant que son manège ne fonctionne pas, il effectue une série de larges cercles en vol avant de se poser dans notre dos. Au passage, on enregistre la série de cris de contact.
Nous avons bien compris qu’il devait y avoir des jeunes à proximité quoique nous n’ayons pas réussi à les trouver. Beaucoup d’oiseaux s’installent tôt en saison alors que les pistes sont peu ou pas fréquentées. Lorsqu’arrivent les beaux jours, la fréquentation augmente avec le retour des islandais qui reprennent possession des petites cabanes disséminées dans le paysage. Il arrive parfois que le nid des oiseaux se retrouve en plein milieu de la piste ! C’est ce qui a du se produire pour notre labbe. Il a de la chance, il n’y a pas grand monde qui emprunte celle-là ! La séance photo terminée, le soleil se cache à nouveau. Nous avons été chanceux !
Deux cents mètres plus loin, nouvel arrêt pour une femelle de Faucon émerillon. Toujours nerveux, farouche, c’est une espèce difficile à bien observer et encore plus à photographier. Un clic et elle s’en va pourchasser le passereau, certainement un Pipit farlouse.
Une fois sur le tarmac, nous pouvons accélérer le rythme. Difficile de trouver le bon compromis entre une vitesse suffisamment élevée pour atteindre notre étape du soir et prendre le temps de profiter de cette magnifique route côtière ou s’enchainent les fjords. Des groupes de mâles d’Eiders à duvet sont régulièrement présents le long de la route mais pour eux aussi, dès que la voiture s’arrête ou fait mine de ralentir, ils prennent directement la perpendiculaire, direction le large. Il est intéressant de comparer les différents stades d’évolution de la mue, allant pour certains mâles de la livrée nuptiale sans la moindre plume muée tandis que d’autres sont quasi semblables à des femelles mais s’en distingue par un plumage plus sombre et non chocolat au lait.
Plus loin c’est un Plongeon catmarin que l’on parvient à bien observer aux jumelles mais trop loin pour une photo exploitable. Au fond du premier fjord, un groupe d’oies constitué d’adultes et de jeunes nage parallèle à la côte. Probablement des oies cendrées mais l’on préfère s’arrêter pour vérifier. Et l’on a bien fait, il ne s’agit pas d’Oies cendrées mais d’Oies à bec court !
Reconnaissable à sa taille inférieure et son bec bicolore (noir et rose), cette espèce est caractéristique des hautes terres centrales de l’Islande. Entre 40 et 50 000 couples se reproduisent sur l’ile, le reste de la population mondiale se trouvant soit au Groenland voisin soit sur l’archipel du Svalbard. Cette espèce est assez difficile à trouver en période de reproduction recherchant les escarpements rocheux, les falaises, les gorges des rivières pour se reproduire. Durant l’été, les adultes muent et recherchent la tranquillité des zones ouvertes donnant sur la mer. Si les oiseaux reproducteurs islandais muent le long des cotes du pays, les non-reproducteurs filent vers les côtes est du Groenland. Tôt dans l’automne, les oiseaux migrent et c’est en Grande Bretagne notamment qu’il faudra se rendre pour les trouver en hiver. Assez farouche, notre petit groupe composé de 6 adultes et de 10 jeunes maintient constamment une distance importante entre eux et nous. Territoriaux en période de reproduction, les couples peuvent s’associer pour former de petites colonies lâches (max d’une dizaine de couples). Nous sommes certainement ici dans ce cas de figure avec 3 couples et seulement une dizaine de gros jeunes survivants !
A l’extrémité d’un fjord, un petit chemin donne accès à une zone humide. Deux étangs sur la droite séparés par un cordon de végétation palustre, quelques petits sommets rocheux sur la gauche et derrière, le fjord suivant qui débute. La balade le long du sentier est tranquille, nous sommes seulement accompagnés par les pépiements d’une femelle de Canard siffleur en provenance du premier étang. Nous cherchons en vain les passereaux dans les petits rochers alors que sur les derniers kilomètres de route, nous avons pu observer 4 Bruants des neiges mais sans avoir la possibilité de s’arrêter, faute de bas-côté. Alors que nous revenons vers la voiture, deux Plongeons catmarins arrivent du fjord et amerrissent en douceur sur l’étang. Réaction instinctive à notre présence, ils se positionnent au centre de l’étang, attitude typique des plongeons en présence d’un prédateur terrestre.
Nous balayons le fjord aux jumelles et sommes surpris de voir qu’il y a de l’activité, notamment en Harles huppés et surtout en Macareux. Ces derniers semblent circuler sur une autoroute, avec une voie entrante dans le fjord près du rivage et une voie sortante plus éloignée. Il doit y avoir une colonie dans les environs pour voir un tel manège en continu.
Vers midi, nous arrivons près du village/hameau de Hvitanes. Il y a 5 ans, lors de notre dernier passage ici, il fallait savoir qu’une colonie de Phoque veau-marin avait élu domicile sur les rochers et qu’à marée basse, il était possible de réaliser de jolies observations. Seuls quelques initiés et évidemment les locaux le savaient. Aujourd’hui, un gros panneau informe de la présence de cette colonie et un parking a été aménagé … A notre arrivée, ce ne sont pas moins d’une quinzaine de voiture, de deux camping-cars et d’un minibus qui y stationnent. Pour la tranquillité de l’observation, il faudra repasser ! Nous restons quand même presque deux heures sur place, dénombrant un maximum de 31 Phoques sur les différents îlots. La marée étant montante, il est amusant de voir un à un tous les phoques abandonner leur reposoir, certains tentant de rester jusqu’au dernier moment, essayant de maintenir leur position en prenant la forme d’une banane, tête et queue relevées. En vain !
Nous repérons au loin dans le fjord de nombreux Cygnes chanteurs, facilement visibles avec leur plumage blanc, en revanche, nous avons failli loupé le discret Bécasseau violet se tenant dans les rochers devant nous. Celui-ci s’envole dès que l’on pointe la longue-vue dans sa direction …
Nous croisons notre deuxième Faucon émerillon de la journée et cette fois, il est un peu plus coopératif.
A l’approche d’Isafjordur, les rassemblements de laridés se font de plus en plus nombreux. Les reposoirs sont constitués de deux espèces, Goélands marins et Goélands bougmestres. A chaque fois, c’est une bonne centaine d’oiseaux que l’on observe. Le Nord-ouest du pays et ses fjords sont un bastion pour cette dernière espèce.
Dans les falaises au-dessus de la route, se sont établis des Fulmars boréaux, leur silhouette blanche se détachant sur le noir des falaises. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles sont nombreuses !
A l’entrée du port d’Isafjordur, un Harle huppé et une femelle d’Eider à duvet se laissent, pour une fois, photographier de près.
Le bitume s’arrête et la piste s’élève en direction de hauts plateaux. En raison de sa petite cylindrée, la voiture peine dans les côtes qui sont, il est vrai, parfois raides. La végétation se fait de plus en plus rare et sur les cols, c’est un paysage minéral qui nous entoure. A l’occasion, un Bruant des neiges fait une brève apparition.
Avec le fjord suivant en ligne de mire, nous enchainons les lacets de la descente. Une fois le fjord atteint, la piste le longe sur plusieurs kilomètres. L’impression d’être loin de tout, en pleine nature en cette fin d’après midi est très agréable. Rares sont les voitures que nous croisons. Au fond de chaque fjord se trouve des havres de paix et de beauté.
Une cascade, une petite rivière serpentant dans un paysage de prairies de fauche, parfois quelques maisons dispersées, parfois un petit hameau et très souvent une colonie de Sternes arctiques s’est installée à proximité des hommes. Par proximité, j’entends dans le jardin, juste derrière la maison, au bord de la piste au milieu du hameau alors que tout autour, il y aurait de la place et la tranquillité nécessaire. En France, les oiseaux ont tendance à s’installer le plus loin possible des activités humaines pour trouver la quiétude nécessaire à la réussite de la reproduction. En Islande, les Sternes arctiques font l’inverse. Certainement qu’elles gagnent en sécurité vis-à-vis des prédateurs et notamment le Renard polaire. C’est avec beaucoup de précautions que nous traversons ces hameaux car certains adultes de Sternes arctiques nourrissent des poussins juste en bord de piste quand ce n’est pas sur la piste !
Nous prenons le temps de nous arrêter dans le fond de l’un de ces fjords pour profiter de la belle lumière du soir et surtout observer le manège des Sternes arctiques. Nous ne résistons pas à enregistrer l’ambiance qui règne dans une colonie avec en arrière fond, des Chevaliers gambettes. Tiens un gambette tout blanc ! original !
Encore 40 km à parcourir dans des paysages magnifiques et nous atteignons notre but, après avoir traversé tous les fjords du nord-ouest dans la journée. Ce soir, nous dormirons à Làtrabjarg, la pointe la plus occidentale de l’Islande !