La Macchabée trail au départ de Pétrin est probablement l’un des meilleurs sentiers pour observer les oiseaux endémiques de Maurice. Nous nous sommes rendus trois fois au petit matin sur le site pour multiplier nos chances. En effet, si certains de ces oiseaux sont assez faciles à trouver, d’autres, au contraire, se montrent particulièrement discrets.
Vue de France, l’image que l’on a de l’île Maurice se résume à une île tournée vers la mer, à ses plages, son lagon et ses cocotiers, mais c’est être un peu réducteur et oublier que l’île a un passé volcanique dont les vestiges géologiques s’érigent en montagnes. C’est au sud et à l’ouest qu’on les rencontre. Répondant aux noms exotiques “Les trois mamelles”, “Montagne du lion”, “La Chauve-souris” ou encore “Piton de la rivière noire”, ces montagnes culminent à 828 m au-dessus des eaux bleues-turquoise de l’Océan indien. Si une grande majorité des plaines sont marquées par des siècles d’agriculture, culture de la canne à sucre oblige, les bribes de la végétation originelle ont trouvé refuge sur les hauteurs, accueillant avec elles les espèces d’oiseaux reliques qui n’ont pu s’adapter aux nouveaux habitats anthropisés.
Pétrin se trouve à environ 600 m d’altitude et reçoit chaque année plus de 3500 mm de précipitations. La végétation y est luxuriante sur ces sols basaltiques. Toutefois dès les premières centaines de mètres du parcours de la Macchabée trail, on constate que des espèces invasives ont trouvées ici des conditions propices à leur développement.
L’ile Maurice est toute récente dans l’histoire de notre Terre. La datation des plus anciens basaltes indiquent 8,9 millions d’années. Ils sont issus d’un magmatisme de point chaud, le même qui est l’origine des fameux trapps du Deccan, cet empilement de plus de 2 km d’épaisseur de couches de lave que l’on rencontre dans le centre de l’Inde. Datés de 65 millions d’années, ils coïncident avec l’époque de la disparition des dinosaures… Aujourd’hui, ce point chaud se trouve sous l’île de la Réunion et régulièrement il fait parler de lui avec les éruptions du Piton de la fournaise. En revanche, il n’y a plus aucune activité volcanique sur Maurice.
La végétation qui s’est développée au fil des millions d’années s’est adaptée aux caractéristiques de l’île, évoluant petit à petit vers de nouvelles espèces selon les processus de mutations génétiques et de sélection naturelle. Bois d’ébène, Bois de rat, Bouteille palmier, Colophane, Bois de boeuf, bois de Pipe … sont quelques unes des espèces endémiques de Maurice ou plus largement des îles Mascareignes.
Malheureusement, de plus en plus d’espèces invasives remplacent les espèces indigènes. Sur les bords de la Macchabée trail, formant un rideau de tiges impénétrables, les goyaves de Chine (Psidium cattleianum), originaires … d’Amérique du Sud … ont proliféré. L’espèce est intéressante pour la population locale car les fruits sont comestibles et consommés, aussi est-il également appelé Goyavier-fraise. En revanche, elle contribue à la fermeture des milieux, étouffe les espèces locales en les privant de lumière favorisant ainsi un développement mono-spécifique.
Autre invasive, l’arbre du voyageur, un palmier emblème et endémique de Madagascar. Son côté “espèce d’ornement” lui a permis de voyager et de coloniser l’île de la Réunion, Maurice, les Comores, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane … Certains versants des montagnes mauriciennes en sont envahis ! Un travail de restauration a été mis en place, de part et d’autre du trail, deux mètres sont dégagés en coupant les arbres du voyageur et les goyaves de Chine. Le travail sur cette dernière espèce ressemble aux tonneaux des Danaïdes. Coupées à la machette, la base des tiges donnent des repousses qui d’ici peu auront anéanti le laborieux travail d’élimination.
Sur la droite, un grand exclos abritent une parcelle naturelle, choyée et protégée des sangliers et autres cerfs qui contribuent à la prolifération des invasives.
Après environ 800m une strate arborée clairsemée fait son apparition. En ce début de matinée, il y a bien des cris et quelques chants mais difficile de trouver les propriétaires. Des points de vue sont aménagés et permettent d’observer les cascades qui s’écoulent au loin depuis le plateau vers les gorges de la rivière noire.
Un oiseau blanc évolue élégamment sur le versant opposé. La distance est importante, nous n’avons pas emporté la longue-vue pour cette rando mais la présence de long filets est diagnostique d’un phatéon. Il s’agit du Phaéton à bec jaune, bientôt suivi d’un deuxième.
Alors que le soleil commence à réchauffer l’atmosphère, une forme s’éclipse rapidement à notre passage derrière les palmes d’un arbre du voyageur. Nous prenons le temps d’observer et finissons par voir ressortir un petit lézard aux couleurs vives. Il s’agit du gecko diurne à queue bleue, une espèce endémique de l’île.
A y regarder de plus près, ils sont nombreux à se dissimuler dans les palmes.
Dans les arbres alentours, les oiseaux s’activent. Il s’agit principalement des Bulbuls orphées, ominiprésents. Ces oiseaux importés de l’Inde sont considérés ici comme une espèce invasive. Ils ont en effet un impact sur les autres oiseaux dont ils prédatent les œufs.
D’autres cris attirent notre attention. Deux perruches passent en vol au-dessus de la végétation et finissent par se percher au sommet d’un arbre. Leurs vocalises sont caractéristiques : il ne s’agit pas des Perruches à collier mais de la Perruche de Maurice appelée également par les locaux gros cateau vert. Sa queue est plus courte et le bec de la femelle est gris.
Comme de nombreuses espèces endémiques, la Perruche de Maurice (Psittacula eques) a bien failli disparaître. La destruction de son milieu et la concurrence avec les espèces introduites sont en grande partie responsables de son déclin. En 1994, elle était considérée comme une espèce en danger critique d’extinction par l’UICN. Il ne restait alors qu’une dizaine d’individus. Grâce à la mise en place d’un programme de conservation la population a pu se reconstituer et atteint aujourd’hui près de 600 individus. Le long de la Macchabée trail quelques nichoirs sont installés pour favoriser leur nidification.
D’autres endémiques ont quant à eux moins souffert de la modification de leur milieu. C’est le cas du Zostérops gris de Maurice (Zosterops mauritianus). Nous croisons de nombreux groupes de ce petit oiseau assez démonstratif poussant régulièrement de petits cris qui lui valent son surnom de pic-pic.
Nous avons également la chance de croiser quelques Bulbuls de Maurice (hypsipetes olivaceus). Assez discrets, ils se camouflent dans la végétation. Sa population est d’environ 1000 couples. Mais, avec un peu de patience, nous finissons par observer un individu s’alimentant à découvert. Il est dans la boîte !
Deux autres endémiques peuvent être contactés ici : le Tchitrec de Maurice ou coq des bois (Terpsiphone desolata) qui affectionne les milieux fermés et l’Echenilleur de Maurice (Coracina typica) dont nous devrons nous contenter d’entendre le cri sans pouvoir apercevoir l’oiseau.
Nous finissons par faire demi-tour et croisons un Crapaud guttural.
Mais une autre surprise nous attend : le Crécerelle de Maurice (Falco punctatus). Perché sur un arbuste au bord du chemin, il ne se laisse observer que quelques instants avant de prendre son envol. Rencontre furtive avec cet oiseau qui fut en 1974 le plus rare au monde. Il ne restait que 4 individus dans la nature. Grâce à un programme important de réintroduction, les effectifs ont pu être renforcés. La population est actuellement estimée à 400 individus.
Autour du centre d’information de Pétrin, les oiseaux sont nombreux, attirés par les miettes abandonnées autour des tables. Ici se mêlent les endémiques aux espèces introduites comme les Moineaux domestiques et les Tisserins gendarmes.
Mais on peut également croiser ici le Bulbul de Maurice.
A l’arrière du centre un pigeonnier entouré d’une clôture accueille une petite population de Pigeon rose de Maurice (Nesoenas mayeri). Les oiseaux peuvent aller et venir à leur guise mais le grillage empêche cerfs et sangliers d’accéder aux mangeoires. Le Pigeon rose a, également, bien failli disparaître. En 1990, il ne restait que 9 Pigeons roses ! Sans le programme mené par la wildlife, il n’en resterait plus un seul ! Aujourd’hui, la population est estimée entre 350 et 400 individus, tous bagués et suivis.
Cette abondance de nourriture facile à obtenir attire d’autres espèces de pigeons, cette fois-ci introduites, comme la tourterelle tigrine et la Tourterelle peinte de Madagascar.
Dans les alentours, d’autres sites sont intéressants pour observer les oiseaux. La route menant à Bassin blanc est particulièrement favorable pour l’observation du Tchitrek de Maurice. Nous testons la zone au petit matin, effectuant de nombreuses haltes avant d’arriver au cratère. Quelques Macaques crabiers traversent la route.
La chance finit par nous sourire : une femelle se déplace furtivement dans les branchages de la végétation, très discrètement. Nous réussissons à prendre une photo malgré le manque de lumière.
Nous finissons la balade autour du cratère de Bassin blanc, cadre magnifique.
[su_spoiler title=”Espèces d’oiseaux observés au départ de Pétrin” style=”fancy”]
Francolin gris | Gray Francolin | Francolinus pondicerianus | 2 le 07/08 |
Phaéton à bec jaune | White-tailed Tropicbird | Phaethon lepturus | 7 le 01/08; 4 le 02/08 |
Pigeon rose | Pink Pigeon | Nesoenas mayeri | 17 ; 15 le 07/08 |
Tourterelle peinte de Madascar | Madagascar Turtle-Dove | Streptopelia picturata | 3 + 3 le 02/08 |
Tourterelle zébrée | Zebra Dove | Geopelia striata | 1 |
Salangane des Mascareignes | Mascarene Swiftlet | Aerodramus francicus | 4 |
Crécerelle de Maurice | Mauritius Kestrel | Falco punctatus | 1 |
Perruche à collier | Rose-ringed Parakeet | Psittacula krameri | 2 + 5 le 01/08 |
Perruche de Maurice | Echo Parakeet | Psittacula eques | 4 + 10 le 02/08 ; 7 le 07/08 |
Echenilleur de Mauice | Mauritius Cuckooshrike | Lalage typica | 1 entendu le 07/08 |
Tchitrec de Maurice | Mascarene Paradise-Flycatcher | Terpsiphone bourbonnensis | 1 le 07/08 à Bassin blanc |
Bulbul de Maurice | Mauritius Bulbul | Hypsipetes olivaceus | 4 ; 3 le 07/08 |
Zosterops gris de Maurice | Mauritius Gray White-eye | Zosterops mauritianus | 40 le 01/08 ; 20 le 02/08 ; 20 le 07/08 |
Martin triste | Common Myna | Acridotheres tristis | 4 |
Moineau domestique | House Sparrow | Passer domesticus | 10 |
Tisserin gendarme | Village Weaver | Ploceus cucullatus | 10 ; 15 le 07/08 |
[/su_spoiler]