Vendredi 14 août
Nous quittons la ville de Rundu dans le nord de la Namibie pour nous enfoncer dans la Bande de Caprivi, cette longue avancée de plus de 400 km au cœur de l’Afrique noire. A dire vrai, c’est une erreur maintenant que de dire Bande de Caprivi. Depuis le mois d’août 2013, le pays l’a rebaptisé « Région du Zambèze » effaçant ainsi un héritage du colonialisme allemand. Vers la fin du XIXème siècle, alors que les puissances colonialistes se ruaient sur l’Afrique, l’Allemagne occupe la Namibie. Afin de relier ses possessions de l’est et de l’ouest de l’Afrique, elle échange l’ile de Zanzibar contre la Bande de Caprivi, alors possession anglaise. C’est à ce moment là que cette région devient la bande de Caprivi, du nom du Chancelier Allemand de l’époque, Comte de Caprivi. Ce territoire ne restera pas longtemps une possession allemande car dès le début de la Première Guerre Mondiale, les Allemands sont défaits en Namibie par l’Afrique du sud alliée des anglais… Les sud-africains y installeront l’Apartheid et Katima Mulilo, la grande ville à l’extrémité est de la Bande de Caprivi, deviendra une base militaire stratégique. Il n’y a plus de conflit aujourd’hui dans cette zone pacifiée où pourtant se côtoient 5 pays.
La route B8 que nous suivons s’étire en grandes lignes droites où peu de voitures circulent. Nous croisons de temps en temps quelques gros 4×4 filant à vive allure. Leurs vitres teintées sont fermées, et donne l’impression que ces véhicules forment un microcosme. Ils donnent le sentiment de ne pas appartenir à ce monde des villages restés traditionnels des peuples mafwe, subia, bayei et mbukushu. Sur le bord des routes, des enfants courent tout en poussant de petites carrioles faites avec de la récupération. Ils sont à la recherche des moindres objets jetés par les fenêtres des véhicules de passage. Les canettes de boissons sont tout particulièrement appréciées. Enclos en bois pour le bétail et cases se succèdent sur des kilomètres. De temps à autre, des locaux font du stop, assis à l’ombre des arbres en attendant qu’une rare voiture s’arrête … il ne doit pas falloir être pressé …
Nous effectuons quelques arrêts au hasard des rencontres. Principalement les rapaces car ils sont les plus visibles : un immature d’Epervier Shikra, un Autour sombre, un Elanion, des Faucons à œil blanc… Pour les autres oiseaux, c’est plus difficile. Les grands arbres se font assez rares et les milieux sont dégradés par la récolte de bois et le pâturage du bétail. Vers 12h, nous prenons la première piste à notre gauche que nous rencontrons et rejoignons les rives de l’Okavango pour un pique-nique. Un Milan à bec jaune survole le fleuve et les cris d’un Pygargue vocifère nous parviennent depuis l’autre rive. Les paysages côté Angola n’ont rien de bien naturels. Pas la moindre ripisylve sur les rivages de ce grand fleuve, seul un arbre persiste et c’est là qu’est posé le pygargue. Tout autour, les vastes roselières ne sont plus qu’un lointain souvenir, la politique du brulis semble de mise. Alors que nous allons quitter les berges, un groupe de trois filles s’approche. Elles remplissent une bouteille avec l’eau du fleuve et la boive directement… je ne suis pas sur que cette eau valide tous nos critères de potabilité… en tout cas, nos organismes ne supporteraient certainement pas que nous les imitions !
Encore une heure de route puis nous quittons la B8 à hauteur de la ville de Divundu et empruntons l’ A35 sur quelques kms. Nous nous arrêtons au Resort de Popa falls. Ce site des parcs nationaux namibiens est connu pour ses chutes … qui ne sont en fait que des rapides sur l’Okavango.
Pas de véritable intérêt donc si ce n’est d’un point de vue ornitho. Les blocs rocheux qui parsèment les rapides sont l’habitat de prédilection de la Glaréole auréolée (Rock Pratincole), une espèce très localisée. Le tour du resort se fait très rapidement, sans véritable sentier pour qui veut s’y balader.
Seul un chemin mène à la terrasse du bar, sur les berges du fleuve. C’est de là que l’on espère voir les glaréoles. Nous aurons beau scruter, pas moyen d’en voir une de l’après midi. On se contentera d’une obs d’un jeune crocodile d’environ un mètre cinquante se chauffant sur les rochers.
En patientant, d’autres oiseaux font leur apparition, tel un Martin pêcheur géant, deux Alcyons pies, des Terrestrials browbuls ou encore un coloré cossyphe. Le soleil décline, les ombres s’étirent puis inéluctablement le soleil passe derrière l’horizon. C’est à ce moment là qu’enfin on repère l’objet de notre venue ici. Une Glaréole se met en chasse au dessus des rochers accompagnée d’un groupe d’Hirondelles. Mais elle est loin et l’observation reste frustrante. Au bout de 3 minutes, nous la perdons définitivement. Dans les dernières lueurs du jour, nous discernons deux Œdicnèmes vermiculés rasant la surface de l’eau tandis qu’un Héron strié vient se poster à l’affut sur la petite plage de sable juste devant nous. Nous quittons la terrasse. Des buissons alentours s’élèvent des bruits. Des animaux farfouillent. Un petit coup de lampe et nous découvrons des sortes de ragondins à tête d’Agouti. Ce sont des Cane-rats. Ils sont 4, assez farouches et ne se laisseront pas photographier. Alors que nous remontons vers notre tente, un Engoulevent musicien se met à chanter, ambiance africaine garantie. Barbecue au grand air dans la douceur de la soirée.
Une fois le repas du soir pris, nous retournons vers la rivière en espérant trouver des hippopotames, qui, parait-il, s’y observent parfois durant la nuit. A peine arrivé sur la terrasse, nous en repérons un sous la lumière de nos lampes. Bruyant il se tient sur l’ilot voisin, distant de seulement 30 m. A y regarder de plus près, il n’y a pas qu’une seule paire de petits yeux très écartés mais, deux. 30 m, ce n’est pas beaucoup comme marge de sécurité pour cette espèce la plus meurtrière d’Afrique… on s’éclipse lentement mais surement. Dans les phares de la lampe, une autre surprise nous attend. Sur les piquets de la clôture, se tient une Chouette africaine. Pas de bol, l’appareil photo est resté dans le coffre de la voiture. La chouette n’est pas farouche, moins de 6 m et la lumière de la lampe ne la dérange pas. Elle nous observe avec ses grands yeux noirs placés au centre de son disque facial vermiculé. Son plumage teinté de roux est somme toute assez joli. Sans un bruit, elle prend son envol et disparait en direction du fleuve. Superbe observation mais rageant de ne pas avoir eu l’appareil. C’est une opportunité qui ne se représentera plus durant le voyage. Bonne nuit.
Samedi 15 août
La journée du samedi est consacrée à la réserve de Mahango (qui fera l’objet d’un prochain article) et le soir nous retournons dormir au resort de Popa falls. Il fait déjà nuit et nous nous rendons directement à la terrasse au bord du fleuve, et nous avons bien fait ! Sur la petite plage où la veille chassait un Héron strié, ce soir, c’est un Héron à dos blanc qui a pris place. Ce petit héron nocturne ressemble un peu à notre Héron bihoreau mais possède un grand œil de grande dimension adapté à son mode de vie.
Dimanche 16 août
En guise de réveil ce dimanche, un Pygargue vocifère clame haut et fort sa présence depuis les grands arbres au bord du fleuve. Nous prenons la direction du point de vue sur les rapides. Le monde des oiseaux se réveille …
Ce sont principalement des tourterelles qui font des allers-retours entre les rives et les iles au milieu du fleuve. Deux Anhingas africains remontent les rapides tandis que depuis les buissons surplombant l’eau tumultueuse un dortoir de Guêpiers nains se disperse. Nous sommes surpris par des cris stridents, ce sont des Alcyons pie en pleine course-poursuite qui se termine sur la branche de l’arbre voisin. Les oiseaux alternent séances de pêche et phases de repos depuis ce perchoir. Nous profitons de leur absence pour faire un affût. 5 min plus tard, les oiseaux reviennent et l’un d’eux se pose exactement au même endroit. Parfait pour la photo avec une jolie et douce lumière.
L’objectif principal de cette matinée est de réaliser des observations dignes de ce nom des Glaréoles auréolées. Celle du vendredi soir était assez frustrante. Malgré plus de deux heures à scruter tous les rochers des rapides et chaque oiseau passant dans notre champ de vision, pas la moindre plume de glaréole. Seule obs intéressante, un Martin pêcheur géant venant quelques instants se percher au sommet d’un arbre. Il porte bien son nom car c’est le plus grand martin-pêcheur du contient africain mais aussi du monde. Seul le Martin chasseur d’Australie approche sa taille. Pour donner une idée, le géant est plus gros qu’une Corneille …
Dans le feuillages, ce sont les souimangas qui s’activent. Difficile de les immobiliser sur une image !
Nous filons prendre notre petit déjeuner à la terrasse du bar puis démontons notre tente. Un Zostérops lance son petit cri au dessus de nos têtes et deux Irrisoirs moqueurs nous accompagnent vers la sortie.
Nous quittons Popa falls, direction le Bostwana.
Oiseaux observés à Popa falls : Cormoran africain (Long-tailed Cormorant), Anhinga d’Afrique (African Darter), Grande Aigrette (Great Egret), Héron strié (Striated Heron) 1, Bihoreau gris (Black-crowned Night-Heron) 2, Bihoreau à dos blanc (White-backed Night-Heron) 1, Œdicnème vermiculé (Water Thick-knee) 2, Glaréole auréolée (Rock Pratincole) 1, Ganga bibande (Double-banded Sandgrouse) 2, Tourterelle à collier (Red-eyed Dove), Tourtelette émeraudine (Emerald-spotted Wood-Dove), Coucal du Sénégal (Senegal Coucal), Chouette africaine (African Wood-Owl) 1, Engoulevent musicien (Fiery-necked Nightjar), Coliou kiriva (Red-faced Mousebird), Martin pêcheur géant (Giant Kingfisher), Alcyon pie (Pied Kingfisher) 2, Guêpier nain (Little Bee-eater), Irrisor moqueur (Green Woodhoopoe), Tchagra à tête brune (Brown-crowned Tchagra) 1, Martinet des palmes (African Palm-Swift), Hirondelle paludicole (Plain Martin), Hirondelle striée (Lesser Striped-Swallow), Bulbul à poitrine jaune (Yellow-bellied Greenbul), Bulbul à cape noire, Bulbul jaboteur (Terrestrial Brownbul), Prinia à plastron (Black-chested Prinia), Cratérope de Hartlaub (Hartlaub’s Babbler), Cratérope fléché (Arrow-marked Babbler), Cossyphe de Heuglin (White-browed Robin-Chat), Bergeronnette pie (African Pied Wagtail), Tisserin safran (Holub’s Golden-Weaver), Souimanga à collier (Collared Sunbird), Souimanga à ventre blanc (White-breasted Sunbird), Souimanga Marico (Marico sunbird), Amarante de Jameson (Jameson’s Firefinch) 2, Zosterops jaune.