Le froid s’installe sur la Provence, une bonne occasion de partir à la rencontre des premiers oiseaux hivernants de Camargue. Nous hésitons entre le sud du delta et le nord. Le sud, ce serait le prolongement de notre escapade à Ouessant. Prospecter les ultimes passereaux migrateurs avec, un peu de chance, croiser un gag, un petit passereau sibérien par exemple ! Quant au nord, c’est une zone que nous négligeons habituellement, car l’on y passe qu’en fin de journée, après avoir épuisé tous les autres sites. Soyons originaux, faisons le nord, ce sera l’occasion de partir à la rencontre d’espèces qui nous échappent depuis quelques hivers.
C’est parti avec Mas d’Agon et ses environs. Cette zone de marais est extrêmement riche au printemps et en fin d’été et l’on y croise toutes sortes de volatiles. En revanche la zone est très souvent peu intéressante en hiver … peut être parce qu’elle est chassée … De rares hérons, de l’Etourneau sansonnet, une poignée de Moineaux domestiques et sur l’horizon, des vols de Flamants roses. En prenant le temps de balader le long de la route, nous repérons le discret cri du Panure à moustaches. L’oiseau est là, dans le cordon de roseaux juste devant nous mais impossible d’y mettre un œil dessus, jusqu’à ce qu’il décide de s’envoler, accompagné de deux de ses congénères.
Petit détour par Méjanes, avec l’espoir d’enfin y croiser des Cygnes de Bewick. Ces marais sont un spot classique d’hivernage de l’espèce mais ces derniers hivers, nous ne sommes pas parvenus à les voir. Ce matin, il y a de beaux rassemblements de Canards souchets et siffleurs mais surtout beaucoup de Canards chipeaux. Pas la moindre plume de Bewick , juste 3 Cygnes tuberculés. Nous quittons l’endroit accompagnés, durant quelques instants, par 4 Panures à moustaches.
Nous longeons à présent le Vaccarès et ce n’est qu’aux environs de Pont noir et des Marais de Rousty que la vue se dégage sur l’étang. On se dit que ce serait sympa de voir des Harles huppés. A peine le temps de sortir de la voiture qu’un premier vol de 7 individus type femelle passe devant nous. Il suffit de passer commande et l’on est servi ! Le petit groupe va se poser plus au nord et entame une partie de pêche.
Un nouveau vol passe au ras de l’eau, c’est un deuxième groupe, cette fois aussi des “type femelle”, qui file vers le nord. Ils sont 9 et rejoignent le groupe de pêcheurs. Les observations de Harles sur le secteur du Vaccarès sont rarement de cette qualité là. Les oiseaux sont passés assez près du rivage, suffisamment en tout cas pour faire de belles observations et ramener des photos. Nos premières pour la Camargue !
Notre rencontre avec les Harles huppés n’est pas terminée pour cette journée. Plus au sud, mais toujours sur le Vaccarès, ce sont 5 oiseaux puis 14 que nous découvrons sur les eaux calmes de l’étang.
Alors que nous remontons dans la voiture, 4 Cygnes tracent vers le sud. Coup de jumelles, les becs sont jaunes, ce sont des Bewick. ah enfin, on observe à nouveau correctement ce Cygne sur nos terres provençales !
C’est vers 11h que nous arrivons sur le marais du Grenouillet. L’air se réchauffe un peu , les brumes de chaleur font leur apparition, il devient dès lors difficile de distinguer les limicoles tout au fond de l’étang. Les plus gros, ce sont des Courlis cendrés, quant aux plus petits, il devient hasardeux de faire une proposition : Chevaliers aboyeur, gambette, arlequin, Combattant ? L’heure est propice aux rapaces. Une buse variable, un Busard des roseaux et … c’est tout.
Puisque nous sommes sur les bonnes heures, autant aller directement chercher là où se trouvent habituellement les gros rapaces. La piste reliant Méjanes à Cacharel est depuis une dizaine d’années le meilleur (et le seul endroit régulier) pour observer les gros aigles d’Europe de l’est qui viennent hiverner sur nos terres provençales. Ce sont principalement des Aigles criards auxquels se joignent des hybrides criard x pomarin venant compliquer la tâche de l’identification de ces oiseaux que l’on observe souvent d’assez loin.
Des Goélands railleurs ont trouvé refuge dans les eaux calmes du nord de l’étang de Vaccarès. Ils pêchent en compagnie de Mouettes rieuses rendant, à contre-jour, intéressante la comparaison entre les eux espèces. Durant le repas, pas un seul rapace ne vient traverser ce ciel bleu balayé par un frais vent de nord. Ce n’est qu’en arrivant vers la petite baie avant le pont des 5 gorges que nous pouvons nous poser pour observer. Flamants roses, reposoir d’environ 300 Avocettes et sur les vasières pas un seul limicole. Il y a trois jours, un Chevalier bargette a été contacté ici. Encore une bien belle espèce qui fait défaut à nos listes depuis quelques années. Tout au fond sur l’horizon, un point noir se déplace haut dans le ciel. A la longue-vue, on identifie un rapace qui glisse lentement vers nous, remontant face au vent. De face la silhouette nous permet d’éliminer, buses et busards des roseaux, principaux oiseaux de proies camarguais. Pour l’instant l’identification est impossible compte tenu de la distance et de l’attitude de l’oiseau qui vole légèrement de profil. Pas une seule fois, il ne se met à cercler afin que nous puissions avoir une vue d’ensemble de l’oiseau. Il change de cap et remonte à présent plein nord. Nous ne sommes plus sur sa trajectoire, il va couper la piste plus en amont. On reprend la voiture et l’on remonte la piste tout en essayant de ne pas le perdre de vue. Nous rattrapons l’oiseau mais celui -ci a déjà traversé la piste. La lumière n’est pas top, surtout comme souvent en Camargue, il n’y a pas de lumière de dessous afin de détailler le plumage de l’oiseau. Dans tous les cas, c’est un gros rapace, aux ailes assez fortes, aux sous-caudales crèmes, aux sus-caudales présentant un vestige de croissant clair. Impossible de compter combien de rémiges primaires sont émarginées, de voir si les rémiges primaires et secondaires sont barrées ou uniformes, seul point visible, le croissant clair à la base des rémiges primaires. La tête de l’oiseau est assez forte, le bec aussi… bref, après réflexion, nous optons pour un Aigle criard, quant à l’âge… difficile à dire sans avoir pu observer le stade de mue de l’oiseau. La présence de couvertures sous alaires muées laissant apparaitre des tâches blanches ainsi que le bord de fuite des ailes irréguliers nous incitent à penser à un oiseau dont l’âge doit être compris entre un 3A et un subadulte.
Comme souvent les observations de ces grands aigles en Camargue sont assez frustrantes: observation lointaine, manque de lumière réfléchie par le sol et observation assez courte. Ici nous avons pu l’observer durant un long moment mais jamais dans des conditions propices. Bref, si notre impression est celle d’un criard, d’autres ornithos à qui nous avons fait parvenir les photos penchent plutôt pour un hybride criard x pomarin. Conclusion, il faudra que l’on repasse sur ce site en espérant pouvoir réaliser de bien meilleures observations.
Passage en mer et observation d’une petite dizaine de Fous de Bassan en chasse devant les Saintes Maries de la mer. Trois Tournepierres à collier qui avaient trouvé refuge dans les enrochements, s’envolent à notre passage.
Nous terminons la journée près des 5 gorges. Les vasières se sont enrichies avec une centaine de Bécasseaux variables, deux minutes, 2 Grands Gravelots, 3 Pluviers argentés ainsi que 3 Courlis cendrés.
Au bilan, une journée camarguaise comme on les aime avec une belle diversité d’espèces et des bons challenges d’identification.