Une journée au cœur de la mer d’Iroise. À l’extrême ouest de la Bretagne, là où la terre s’efface face à l’Atlantique, la mer d’Iroise déploie l’un des paysages maritimes les plus puissants et les plus vivants d’Europe. Courants violents, îles battues par les vents, phares mythiques et fonds marins d’une richesse exceptionnelle composent ce territoire indompté, façonné par des siècles de navigation et de tempêtes. Classée parc naturel marin, la mer d’Iroise est à la fois un espace de passage, de survie et de biodiversité. L’homme et l’océan y entretiennent une relation aussi ancienne que fragile.
Le parc marin de la mer d’Iroise
La mer d’Iroise constitue l’un des écosystèmes marins les plus riches et les plus complexes de l’Atlantique nord-est. La rencontre de courants puissants, d’eaux froides bien oxygénées et de fonds rocheux variés favorise une biodiversité exceptionnelle. On y rencontre de vastes champs de laminaires aux récifs sous-marins abritant crustacés, poissons et invertébrés.
Ces milieux soutiennent une faune emblématique. On peut noter la présence régulière de phoques gris, de grands dauphins et de nombreuses espèces d’oiseaux marins. La mer d’Iroise est également une zone de passage pour plusieurs espèces de cétacés migrateurs. Face aux pressions croissantes — dérangement, pollution, changement climatique et exploitation des ressources — la création du parc naturel marin vise à concilier activités humaines et préservation de cet équilibre fragile. Cet équilibre est essentiel au fonctionnement de l’océan côtier breton.
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Des milieux variés
La richesse écologique de la mer d’Iroise repose ainsi sur la diversité de ses milieux marins et littoraux. Les fonds rocheux, balayés par de forts courants, sont tapissés de vastes forêts de laminaires. Ils constituent donc l’un des principaux réservoirs de biodiversité du secteur. Ils offrent également abri et nourriture à une multitude de poissons, de crustacés et d’invertébrés.

En pleine mer, la productivité élevée liée aux remontées d’eaux riches en nutriments attire plancton, bancs de poissons pélagiques. Cela attire par conséquent, cétacés et grands prédateurs marins.
Les îles et îlots, souvent inaccessibles, jouent un rôle crucial pour la reproduction des oiseaux marins. Les zones côtières et estrans servent de nourriceries naturelles et de lieux de repos pour les phoques gris. L’équilibre de ces milieux interdépendants fait de la mer d’Iroise un écosystème d’une grande complexité. La préservation est essentielle face aux bouleversements climatiques et aux pressions humaines.
Comment visiter la mer d’Iroise ?
Plusieurs prestataires offrent des sorties à la journée avec ou sans escale pour découvrir les richesses patrimoniales et naturelles du parc. Certaines sorties mettent le focus sur les phares, d’autres sur une approche plus naturaliste. Vous pouvez également vous rendre sur les différentes îles comme Molène et Ouessant par les ferrys.
Pour ma part j’ai opté pour la compagnie CAP IROISE EVASION. La structure propose différents formats, avec des sorties orientées phares ou nature. Mais dans tous les cas on voit un peu tout. Je vous propose dans cet article la sortie Evasion Molène avec escale sur l’île. L’approche de la faune a toujours été respectueuse à la fois de la faune et de la réglementation du parc.
Départ du Conquet
12 août 2025. Nous quittons au petit matin le port du Conquet sous un ciel bien gris. Nous embarquons sur un semi-rigide et filons à travers le parc marin de la mer d’Iroise. Notre guide est un ancien marin pêcheur, reconverti dans le tourisme. Il connaît le parc comme sa poche. Amoureux de son territoire, il partage avec nous sa passion pour la nature et la mer et ne tarit pas d’anecdotes sur la vie locale. Nous apprendrons ainsi beaucoup de choses au fil de la sortie aussi bien sur la culture que sur le patrimoine naturel du parc.

Observer les phoques gris de la mer d’Iroise
Nous commençons par faire le tour d’îlots où se sont rassemblés quelques phoques gris. Certains se montrent particulièrement curieux et nagent jusqu’au bateau, sortant leur tête hors de l’eau pour nous observer. Notre présence semble les intriguer. Que font ces bipèdes sans plumes dans une telle embarcation ?

Une jeune femelle au pelage plus clair fait également le tour du bateau. Elle s’éloigne avant de revenir et de plonger en faisant des tours sur elle-même.

D’autres phoques se prélassent sur les rochers, attendant que la mer les recouvre pour se jeter à l’eau.

Le parc naturel marin d’Iroise abrite une population majeure de phoques gris. Elle représente environ 30 % des effectifs français lors de la période de mue, qui s’étend de janvier à mars. À cette saison, il est possible d’observer, à distance et sans dérangement, des groupes de plusieurs dizaines d’individus installés sur des reposoirs rocheux hauts et abrités, particulièrement favorables à la mue. En été, les phoques gris se dispersent davantage sur l’ensemble du territoire. Ils utilisent des reposoirs plus exposés, souvent recouverts à marée haute. Cela rend leur observation plus ponctuelle lors des balades côtières.
L’archipel de Molène joue également un rôle clé dans le cycle de vie du phoque gris
L’archipel de Molène joue également un rôle clé dans le cycle de vie de l’espèce. Il s’agit de l’un des deux seuls sites de mise bas du phoque gris en France. Les naissances s’échelonnent entre octobre et décembre. Les suivis scientifiques menés entre 2010 et 2014 grâce à des balises GPS ont révélé l’ampleur des déplacements des phoques de la mer d’Iroise. Certains rejoignent la Cornouaille, les îles Scilly, l’Irlande ou même l’Écosse. Ces échanges réguliers soulignent la forte connexion écologique entre l’Iroise et les îles britanniques. Ils font de ce territoire un maillon essentiel du réseau de sites utilisés par le phoque gris à l’échelle de la mer Celtique.

Observer les oiseaux de la mer d’Iroise
La mer d’Iroise constitue un site majeur pour les oiseaux marins, attirés par la richesse exceptionnelle de ses eaux et la tranquillité de ses îles et îlots. Falaises, îlots rocheux et zones de pleine mer accueillent de nombreuses espèces emblématiques comme le fou de Bassan, le pingouin torda, le guillemot de Troïl, les puffins ou encore les sternes, qui y trouvent des zones de nourrissage et, pour certaines, des sites de reproduction essentiels. Nous croisons d’ailleurs de nombreux jeunes cormorans huppés, perchés sur les écueils. Les forts courants et les remontées d’eaux riches en plancton favorisent l’abondance de poissons, offrant des conditions idéales pour l’alimentation des oiseaux plongeurs.

Dorans huppés
De nombreux oiseaux utilisent la mer d’Iroise comme site de nidification. Outre les cormorans, les plages accueillent la reproductions des goélands comme ces goélands marins. Le parc joue également un rôle majeur pour deux espèces : le grand gravelot et l’océanite tempête.

Le grand gravelot
En France, l’espèce se reproduit sur le littoral, du Nord au Finistère, la Bretagne abritant plus de la moitié des effectifs. L’effectif français reste cependant marginal, au regard de la population européenne estimée entre 84 000 et 116 000 couples. C’est sur l’archipel de Molène que la nidification du grand gravelot a été signalée pour la première fois en France, au milieu des années 1950. L’Iroise constitue le bastion de l’espèce à l’échelle nationale : les effectifs de grand gravelots qui s’y reproduisent représentent plus d’1/3 des effectifs nationaux.
L’océanite tempête
L’archipel de Molène héberge les plus importantes colonies bretonnes et françaises d’océanite tempête, représentant respectivement environ 80 % et près de 75 % des effectifs. L’océanite tempête est un oiseau marin pélagique au mode de vie particulièrement discret, dont la présence en mer d’Iroise est étroitement liée aux îlots rocheux les plus inaccessibles. La reproduction débute au printemps, lorsque les adultes rejoignent leurs sites de nidification entre mai et août, nichant dans des terriers, des anfractuosités ou sous des blocs rocheux.
Espèce strictement nocturne à terre, l’océanite tempête ne regagne ses nids qu’à la nuit tombée afin d’éviter la prédation. Un seul œuf est pondu, couvé alternativement par les deux parents, qui assurent ensuite l’alimentation du poussin. En mer, l’espèce adopte un vol rasant caractéristique, semblant « danser » à la surface de l’eau. Elle se nourrit principalement de plancton, de petits crustacés et de poissons, capturés à la surface. En dehors de la période de reproduction, l’océanite tempête mène une vie entièrement océanique
Les oiseaux migrateurs
En période de migration, la mer d’Iroise devient également un couloir privilégié pour de nombreuses espèces pélagiques, faisant de ce territoire un lieu d’observation incontournable pour les amateurs de balades naturalistes et d’ornithologie côtière. Nous sommes déjà à la mi-août et les débuts de la migration commencent à donner des signes comme ce groupe en vol de courlis corlieu. Bientôt, ce sera au tour des passereaux de “tomber” sur ces îles du bout du monde. On comprend mieux pourquoi l’île d’Ouessant est un haut lieu de l’ornithologie en France.

Les phares de la mer d’Iroise
Mais le patrimoine naturel n’est pas le seul attrait de la mer d’Iroise, riche de ses nombreux phares. En Bretagne, les phares sont souvent classés de manière imagée entre « phares du paradis » et « phares de l’enfer ». Cela varie selon leur implantation et les conditions auxquelles ils sont exposés. Les phares dits du paradis sont construits à terre ou sur des îles accessibles. Ils offrent des conditions de vie relativement clémentes aux gardiens et s’intègrent paisiblement au paysage côtier.
À l’opposé, les phares de l’enfer sont édifiés en pleine mer, sur des rochers isolés et battus par les tempêtes. Soumis à la violence des vagues, au vent et à l’isolement extrême, ces phares symbolisent la lutte permanente entre l’homme et l’océan. Cette distinction, plus poétique que technique, traduit la réalité des conditions de vie des gardiens et souligne le caractère sauvage et redoutable des côtes bretonnes. A l’approche de Molène, ou apercevons au loin le célèbre phare du Stiff qui domine Ouessant.
Kéréon
Mais ce sont les phares de l’enfer les plus fascinants. Nous passons à proximité De Kéréon. Le phare de Kéréon se dresse en pleine mer d’Iroise, entre l’île d’Ouessant et l’archipel de Molène, sur un récif entièrement battu par les courants et les tempêtes. Mis en service au début du XXᵉ siècle, il incarne parfaitement la catégorie des « phares de l’enfer ».
Sa silhouette élégante, souvent surnommée le « Versailles des mers » en raison de son aménagement intérieur particulièrement soigné. Il contraste avec la violence du milieu qui l’entoure. Véritable sentinelle au cœur des eaux les plus dangereuses de Bretagne, le phare de Kéréon joue un rôle essentiel dans la sécurisation des routes maritimes de la mer d’Iroise. Il symbolise également la prouesse humaine face à l’un des environnements marins les plus redoutables d’Europe

Les Pierres noires
Au retour de notre escale de Molène, nous passons à proximité d’un autre célèbre phare de la mer d’Iroise : les phare des Pierres noires.

Le phare des Pierres Noires s’élève en pleine mer d’Iroise, à l’ouest de la pointe Saint-Mathieu, sur un plateau rocheux redouté des navigateurs. Construit à la fin du XIXᵉ siècle. Isolé au large, battu par les embruns, il marque l’entrée septentrionale de la mer d’Iroise et sécurise l’une des zones de navigation les plus dangereuses de la côte bretonne. Encerclé par un environnement marin d’une grande richesse biologique, le phare des Pierres Noires incarne la lutte permanente entre l’homme et l’océan, et demeure l’un des symboles les plus puissants du patrimoine maritime breton.

Escale sur l’île de Molène
Nous prenons la direction de l’île de Molène où nous faisons escale. D’autres passagers avec choisi l’option restaurant, pour nous ce sera pique-nique et nous voulons prendre le temps de faire un tour sur l’île.

L’île de Molène, au cœur de la mer d’Iroise, séduit par son atmosphère paisible et son caractère authentique. La visite se fait essentiellement à pied, le tour de l’île offrant une agréable balade le long du littoral, ponctuée de plages de galets, de rochers sculptés par la mer et de vues ouvertes sur l’archipel environnant.

Le village, avec ses maisons basses et son port, constitue un point de départ idéal pour découvrir la vie insulaire et le patrimoine local. L’église Saint-Renan de Molène occupe une place centrale dans la vie et l’histoire de l’île. Modeste par son architecture extérieure, elle abrite un riche patrimoine maritime à travers ses ex-voto, offerts par les marins et leurs familles en signe de reconnaissance ou de protection. Maquettes de bateaux, plaques commémoratives et objets liés à la navigation témoignent des dangers omniprésents de la mer d’Iroise et de la relation intime entre les habitants de Molène et l’océan. Ces ex-voto racontent des naufrages évités, des retours espérés ou des vies perdues, inscrivant la mémoire collective de l’île dans les murs mêmes de l’église.

Selon le rythme de marche et les pauses, il faut compter environ deux à trois heures pour faire le tour complet de Molène, sans difficulté particulière.

Observer les cétacés dans la mer d’Iroise
Il est temps de reprendre la mer, cette fois-ci à la recherche des cétacés. En effet la mer d’Iroise est l’un des secteurs les plus favorables à l’observation des cétacés sur le littoral français. La rencontre de courants puissants et d’eaux riches en nutriments y attire une grande diversité d’espèces, venues s’alimenter ou transiter le long des côtes bretonnes. Les dauphins comme le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin commun, y sont régulièrement observés, parfois très près du rivage.
Plus au large, la mer d’Iroise constitue également une zone de passage pour plusieurs espèces de baleines. On peut alors croiser le rorqual commun ou le rorqual de Minke, lors de leurs déplacements saisonniers. Nous scrutons la mer et finissons par apercevoir des ailerons, il s’agit de grands dauphins.

Le grand dauphin
Le grand dauphin (Tursiops truncatus) est l’un des cétacés les plus emblématiques et les plus facilement reconnaissables des côtes européennes. Robuste, doté d’un museau court et d’une nageoire dorsale falciforme, il se distingue par son intelligence, sa sociabilité et ses comportements souvent spectaculaires en surface. Espèce opportuniste, il se nourrit principalement de poissons et de céphalopodes, qu’il chasse en groupe grâce à des stratégies collectives complexes.

En mer d’Iroise, le grand dauphin trouve des conditions particulièrement favorables : eaux riches en poissons, forts courants concentrant les proies et diversité des milieux côtiers. Une population côtière y est régulièrement observée, notamment autour de l’archipel de Molène, d’Ouessant et le long des zones rocheuses. Ces dauphins fréquentent le secteur toute l’année, même si les observations sont plus fréquentes du printemps à l’automne.
La mer d’Iroise constitue ainsi un territoire clé pour l’espèce, à la fois zone d’alimentation et espace de vie, où l’observation doit impérativement se faire dans le respect des distances réglementaires afin de préserver la tranquillité des groupes. C’est pourquoi, après quelques interactions avec le bateau, notre capitaine décidera de prendre de la distance pour ne par perturber plus longtemps le groupe et donc respecter la réglementation du parc.

Nous remettons le cap sur Le Conquet, des images plein la tête. La mer d’Iroise, puissante et vivante, nous a offert un spectacle unique où nature et fragilité se rencontrent à chaque vague.