4 avril 2015. Le premier jour de notre week-end aux Aiguamolls débute sur les étangs de Vilaüt. Le soleil n’est pas encore levé mais déjà vers l’est, les crêtes du massif des Albères se détachent sur fond de ciel doré. La zone humide de Vilaüt est située au creux d’une dépression parcourue par trois rivières quasiment parallèles. Différents types de marais s’y succèdent : Un marais avec de l’eau libre, d’autres envahis de roselières, des prairies humides avec Tamaris et sur les hauteurs de la dépression, ce sont des prairies sèches parsemées de chaos granitiques qui attirent en ce début de printemps les migrateurs. Le massif des Albères, qui se prolonge au nord des Aiguamolls par la Sierra de Rhodès et le Cap de Créus forme une barrière pour les oiseaux en période de migration, surtout lorsque les conditions météos se dégradent. C’est le cas aujourd’hui, où un fort vent souffle et contraint les oiseaux à se réfugier dans les marais où ils peuvent se reposer en attendant des heures ou des jours meilleurs.
La première heure de notre balade est assez calme, seuls les oiseaux présents depuis quelques jours sont sur place. Des Grandes Aigrettes, des Hérons Garde-bœufs et quelques Hérons pourprés s’alimentent aux abords des roselières. Fidèles à leurs habitudes, les Busards des roseaux survolent les marais à la recherche de tout oiseau inattentif ou en détresse. Ils quadrillent la zone mais ne s’approchent que rarement de nous. Dans les pâtures voisines, un petit groupe de bergeronnettes printanières se nourrit au pied les vaches. Elles sont assez discrètes, ne poussant leurs cris caractéristiques que lorsqu’elles s’envolent. Caché au fond d’un épais buisson, un Rossignol philomèle se fait entendre l’instant d’une strophe tandis que depuis la haie de peupliers voisine, c’est la Huppe fasciée qui égrène son chant. Une douce série de Houp houp houp annonciatrice de beaux jours. Un premier Pipit des arbres passe haut dans le ciel, suivi par un petit groupe d’Hirondelles rustiques. Des petites trilles …, ce sont des hirondelles de rivage qui remontent maintenant face au vent. Des cris de Linottes mélodieuses, de Serins cini, d’Alouettes des champs … ça y est le passage commence. Au milieu de ce mouvement, une petite touche tropicale vient égayer l’atmosphère avec deux Guêpiers d’Europe. Les derniers à apparaître dans ce défilé sont les Martinets noirs accompagnés de quelques Martinets à ventre blanc.
Un regard dans les buissons porte ses fruits. Dans les tamaris bordant la route, les Pouillots fitis s’agglutinent, ils sont de loin les plus nombreux.
Viennent ensuite les Fauvettes passerinettes et les têtes noires, essentiellement des mâles dont certains arborent un magnifique plumage nuptial. Il est intéressant de pouvoir comparer avec la Fauvette des Balkans (éligible au rang d’espèce et anciennement ssp albistriata de la Fauvette passerinette) que nous avons vue il y a peu sur les marais près d’Hyères.
Des Combattants variés qui se dissimulaient dans les marais les plus lointains décollent subitement. Ils sont une centaine à voler en formation serrée avec changement rapide de trajectoire. Pas de doute, il doit y avoir un prédateur dans les airs. Un gros faucon fait son apparition et effectue plusieurs passages sans trouver une proie. Il faut dire qu’il est plutôt en mode recherche de thermiques que chasse. Le plumage usé est surprenant. De teinte plutôt grise, le larmier n’est pas clairement marqué, nous l’identifions comme une grosse femelle immature de Faucon pèlerin de la ssp calidus, celle qui se reproduit dans les territoires scandinaves.
Nous avons bien fait de lever les yeux avec ce faucon, ce qui nous donne l’occasion de voir passer une cigogne noire, une Spatule, puis des buses ainsi que des circaètes Jean-le-Blanc.
Intrigués par des cris lointains nous pensons à des grues sans être sûrs. Le doute s’est installé car ce matin des Grandes Aigrettes lors de l’envol ont poussé des cris similaires. Après plusieurs minutes, nous parvenons enfin à voir une grue en vol mais elle est loin et passe rapidement derrière une haie d’arbres. Le site n’est pas accessible. Nous ne saurons pas exactement combien elles sont ! Les grues ne sont donc pas toutes parties et des retardataires profitent encore de la « chaleur » espagnole.
Dernière étape de la balade, direction l’observatoire : une hirondelle rousseline, encore de nombreux Pouillots fitis et quelques véloces. Sur le marais ce sont principalement des canards qui barbotent et, dissimulés derrière des iris, des Chevaliers aboyeurs et arlequins. Rien de bien particulier et l’ambiance est assez tranquille. Nous terminons la boucle, il est à présent midi, le soleil chauffe, le vent souffle toujours fort mais il a au moins l’avantage d’avoir dégagé le ciel qui était bien pris ce matin.
Nous prenons la route vers El Mata mais pas le temps de faire 2 km que l’on s’arrête dans les zones arborées pour photographier un couple de Rouge-queue à front blanc. Seul monsieur se montrera particulièrement coopératif.
Arrivée sur El Mata. Le niveau d’eau est parfait et les limicoles nombreux. Essentiellement des Combattants mais la diversité est au rendez-vous. Il y a aussi 8 Chevaliers aboyeurs, 5 Chevaliers arlequins, quelques Chevaliers gambettes, des Chevaliers sylvains, des Petits Gravelots, des grands et à collier interrompu, des Bécassines des marais, des Echasses, 4 Barges à queue noire … ainsi qu’un couple de Tadorne de Belon se reposant d’un œil, de même pour le Pluvier argenté qui sommeille à leurs côtés.
L’heure favorable aux Marouettes approche. Nous décidons de remonter faire un tour sur les bassins de décantation de la station d’épuration de la ville d’Empuriabrava. Un observatoire aménagé porte d’ailleurs un nom parfaitement approprié. El Aguait dels Rascletons, autrement dit, l’observatoire des Marouettes. Plus d’une heure de recherche pour un résultat bien maigre. Un phragmite des joncs comme seule espèce intéressante mais pas la moindre queue d’une Marouette.
Nous retournons sur El Mata et nous nous focalisons sur les roselières.
Un petit marais qui avait perdu tout attrait depuis plusieurs années, car totalement envahi par la végétation palustre, se retrouve à nouveau partiellement dégagé. En son temps, ce petit marais accueillait toutes les espèces de Marouettes, de la Gorgebleue, du Chevalier Stagnatile … avec des observations à moins de 20 m … mais ça c’était il y a presque 20 ans ! Aujourd’hui, le site semble retrouver de l’attrait. Des iris se développent dans la zone dégagée ainsi que des Typhas à massette propices aux Marouettes. Pas le temps de chercher longtemps pour trouver l’espèce du jour. Mimétique mais éclairée par la lumière du soir, une Bécassine sourde s’aventure hors de la roselière pour se nourrir. Le temps de récupérer la longue vue pour bien l’observer qu’elle a disparu … Il nous faudra bien plusieurs minutes pour la repérer à nouveau. Elle ne s’était pourtant déplacée que de seulement quelques cm qui lui ont suffit à se camoufler derrière une tige de roseau et passer quasiment inaperçue. Ayant repéré notre manège, elle se plaque contre le sol mais finit par décoller pour se poser à moins d’un mètre mais cette fois-ci dans les roseaux.
La Bécassine partie, nous pouvons consacrer du temps aux Luscinioles à moustaches, phragmites des joncs et autres Locustelles luscinoïdes qui chantent autour de nous. Il fait nuit maintenant, il est l’heure aussi pour nous de rentrer alors qu’une lune rousse se lève.