Mercredi 05 août 2015
Le camp se réveille à 5h30. Le camion de touristes français qui s’est installé hier soir en face de notre tente commence à préparer la journée à grands renforts de bruits. Rangement des casseroles et autres ustensiles de cuisine, préparation du petit déjeuner… Nous, nous émergeons vers 06h00 et nos préparatifs du petit matin sont bien plus rapides. Vers 6h20 nous sommes à la gate mais celle-ci est encore fermée. Une seule voiture devant, une seule voiture derrière… ce n’est pas l’effervescence des matins dans le Kruger ! Pas de rodéos ici, simplement quelques voitures qui s’élancent paisiblement avant de se disperser à la découverte des différentes pistes d’Etosha. Le soleil se lève peu à peu sur les grandes étendues désertiques.
Nous prenons la direction du nord, vers les points d’eau naturels en bordure du pan d’Etosha. A peine un kilomètre parcouru dans cette immensité plate que déjà nous devons nous arrêter. Lové au pied d’un petit buisson, un chacal sommeille sur un lit de bouse d’herbivores à moins de 10 m de la piste. Il pose pour le photographe alors que la lumière se réchauffe et que les rayons du soleil illuminent ses yeux !
Nous levons notre regard un instant de l’appareil et repérons une Hyène s’approchant de la piste voisine. Nous laissons le chacal et faisons ½ tour pour se rapprocher d’elle. Mais elle n’est pas seule, elle est accompagnée d’une deuxième et toutes deux s’éloignent du camp d’Okaukuejo. Une semble marauder, le nez au sol à la recherche de toute piste pouvant mener à une charogne tandis que la deuxième accélère le pas pour finalement se coucher aux pieds de petits buissons au milieu de la steppe. De loin, on ne perçoit qu’une vague forme légèrement plus sombre que son environnement.
Nous reprenons notre piste initiale et croisons à nouveau un chacal peu farouche puis nous tombons sur un rode d’Outardes à miroir blanc.
A droite, à gauche, elles sont nombreuses à être disséminées le long de la piste et uniquement des femelles !
S’il est l’heure pour les mammifères prédateurs d’aller se coucher après une nuit en quête de proies, il semble que pour les oiseaux, l’heure du réveil n’ait pas encore sonnée.
Il est vrai que la température ce matin est assez fraiche ce qui n’aide pas à la mise en train des oiseaux. Tous ceux que nous croisons patientent en prenant le soleil, la tête dans le corps. Ils se chauffent de longues minutes puis telle cette outarde, ils commencent à s’étirent, une aile, puis l’autre, effectuent quelques bonds pour se dégourdir les jambes, font quelques pas, s’arrêtent et finalement se mettent à gambader à la recherche de quelques chose à picorer.
On assiste au même spectacle avec un petit groupe de Courvites à double bande.
Il faut attendre plus de 8 heures du matin pour voir apparaitre les premières Alouettes ! Où se cachaient-elles avant ? Nous avons pourtant bien cherché mais pas la moindre plume d’Alouettes avant cette heure. Probablement dans des terriers comme cette Spike heeled Lark (Alouette éperonnée) qui entre et sort d’un terrier de micro-mammifère.
Nous arrivons au premier point de vue sur le Pan. Rien, mais alors rien et ce jusqu’à l’horizon. Nous sommes surpris par l’immensité désolée que forme cette vaste dépression. Long de plus de 120 km pour 72 km de large, le Pan d’Etosha est un lac éphémère de grande taille puisque couvrant plus de 4 800 km2. La sécheresse étant très marquée dans le nord de la Namibie, le pan est donc à sec durant de très longues périodes. Il n’est alors qu’une étendue blanche de sel où le vent s’amuse à créer des tornades et faire tourbillonner la moindre particule de poussière. Cela n’a pas toujours été le cas. Si l’on remonte dans les temps géologiques, le Pan a été un vaste lac profond qui réceptionnait les eaux provenant des massifs calcaires montagneux situés au sud mais aussi des eaux du nord en provenance de la rivière Kunene et de ses affluents. Les massifs au sud ont été érodés au cours du temps et les mouvements tectoniques lors de la séparation avec l’Amérique du sud ont entrainé des modifications dans la trajectoire des rivières du nord. Ces deux phénomènes sont à l’origine de l’assèchement du lac. Lorsque de fortes précipitations s’abattent sur la région comme ce fût le cas, en février 2008, le pan se remet en eau. Là encore deux phénomènes expliquent ce changement de faciès. La nappe phréatique présente quelques dizaines de cm sous la surface remonte et alimente à nouveau le lac. Mais comme les pluies sont aussi tombées plus au nord à la frontière avec l’Angola, les canaux fluviaux connus sous le nom de cuvelai en provenance de la rivière kunene se sont à nouveau remplis et se sont déversés dans le Pan. Lors de ces années fastes pour la nature, Etosha devient le principal site de nidification des Flamants roses en Namibie. Rien de tel aujourd’hui, uniquement une couche d’évaporites à perte de vue.
Deux Ecureuils terrestres profitent du soleil à l’entrée de leur terrier. Ils sont rejoints par un troisième, puis un quatrième … et finissent par se retrouver à une petite dizaine à lézarder dont des jeunes. La température corporelle remontée, ils s’activent à présent et se mettent en quête de nourriture. Nous laissons ce groupe familial et rallions le point de vue suivant.
Un couple de Faucon s’envole à notre approche, probablement des Faucons à œil blanc mais comme ils s’éloignent à contre-jour nous ne sommes pas sûrs. D’autres touristes que nous croisons nous indiquent la présence de Lionnes. En effet, sur une dune dominant le pan, elles sont deux à se reposer. Elles ne sont pas faciles à repérer en position allongée.
Les Girafes, les Zèbres, les Springboks et les Autruches qui viennent s’abreuver le long du mince filet d’eau ne semblent pas particulièrement inquiets. Le milieu est très ouvert et ce n’est pas une heure propice pour tenter une embuscade. Les herbivores le savent, aussi s’approchent ils sereinement de cette rare eau douce qui a effectué un long voyage depuis les montagnes situées au sud à travers les couches perméables du sol jusqu’à rencontrer des argiles étanches donnant naissance à une résurgence. Sans ces sources d’eau douces régulièrement réparties en limite du Pan, il n’y aurait pas de grands herbivores sur ces terres arides. Le passage d’une voiture des gardes du parc ne fait pas réagir les lionnes qui continuent de surveiller leur territoire et leur garde-manger. Devant le nombre croissant de voitures venant se garer à côté de nous pour observer les lionnes, nous préférons poursuivre notre chemin.
Un premier chacal endormi puis un autre au sommet d’un petit monticule de sable pour lequel nous avions bien fait de jeter un coup d’œil au jumelles. A 5 m de lui, un Ratel se tient dressé et nous fixe du regard. Avec énergie, ils creusent le sol et envoie voler de grands nuages de poussières. Un deuxième Ratel pointe son nez, nous avons là certainement un terrier qui abrite un couple de ces carnassiers. Ils ne restent pas longtemps à la surface et tous deux disparaissent au fond du terrier. Nous aurons beau patienter plusieurs dizaines de minutes, ils ne réapparaitront pour cette matinée. Il fait à présent chaud, l’activité baisse nettement. De nouveau un chacal au pied d’un buisson au bord de la piste mais devant la chaleur ambiante, il ne bouge même pas alors que nous l’observons de très près.
Midi, l’heure du pique nique. Nous nous réfugions à nouveau dans une zone protégée et prenons notre repas dans des nuages de poussières à cause du vent qui s’est levé. Ces aires de pique nique sont assez rudimentaires, quelques tables en bois sous des tonnelles pour fournir un semblant d’ombre. Il est vrai que contrairement au parc Kruger, il n’y a ici pas d’arbres dignes de ce nom qui puissent fournir un abri. Nous regagnons le camp d’Okaukuejo pour finaliser les formalités d’entrée dans le parc et s’acquitter des droits de séjour. La note est assez salée car ici pas de tarif préférentiel comme en Afrique du sud avec la Wild card. Quitte à être au camp, nous en profitons pour faire les courses en prévision du barbecue de ce soir. Passage près de la piscine afin de rechercher les oiseaux dans les grands arbres mais c’est assez calme à cette heure de la journée. De remarquable, on notera un Epervier de l’Ovambo s’envolant de la frondaison d’un arbre pour se réfugier dans un autre au feuillage plus dense.
Nous reprenons la route dans l’après midi pour explorer une piste à l’est du camp. Nous traversons tout d’abord une zone d’acacias où nous sommes surpris de tomber sur une Outarde Kori. Le milieu évolue et le paysage s’ouvre à présent sur la plaine désertique. Au loin, assis sous un frêle arbre mort, un jeune Lion semble attendre la fin des heures chaudes.
Nous commençons à l’observer quand un véhicule s’arrête pour nous signaler la présence d’un autre Lion au prochain point d’eau et en plus, il est très proche ! Direction New Brownie où nous arrivons très vite car distant seulement d’un kilomètre. Effectivement, le lion est bien là, lové au pied d’un buisson, il sommeille, daignant de temps en temps jeter un coup d’œil dans notre direction et dans celle de tous ces cars de touristes.
Nous ne sommes pas les seuls sur place ! Nous patientons et finissons par obtenir une bonne place. Le Lion se lève, fait quelques pas en claudiquant pour finalement s’allonger dans une bouse d’éléphant. L’activité des lions durant la journée n’est pas des plus débordantes !
Il est bientôt l’heure de rentrer au camp. Nous abandonnons ce beau mâle et faisons un arrêt rapide sur le premier individu dont seule une oreille dépasse des quelques touffes d’herbes. Le temps presse car la gate ferme à 17h40. Un dernier arrêt pour photographier une Outarde Kori dans la belle lumière du soir.
Nous passons la porte avec une petite poignée de minutes d‘avance et allons immédiatement au point d’eau pour le spectacle des Gangas bibandes.
Ce soir encore, ils sont nombreux à venir s’abreuver une fois que le soleil est passé derrière l’horizon. Le spectacle est toujours aussi sympa. Repas barbecue puis retour au point d’eau qui reste éclairé toute la nuit. Il y a encore beaucoup de monde, assis sur les bancs à profiter de ces superbes ambiances. Dès notre arrivée, il y a deux mères de Rhinocéros noirs accompagnées de leur rejeton. Les mères boivent en premier tandis que les jeunes semblent hésiter. Ils ont l’air craintifs, et recherchant la protection maternelle en maintenant un contact quasi-permanent. Finalement, ils finissent par tremper eux aussi leur museau dans l’eau. De nouveaux rhinocéros arrivent, ce sont encore des noirs. Cette espèce est bien présente dans Etosha mais paradoxalement, assez difficile à voir en journée malgré un gabarit imposant. On peut donc rajouter 6 individus ce qui fait un total de 10 ! Pas mal ! Mais le clou de la soirée, ce ne sont pas les Rhinos mais ce mâle de Lion qui s’approche, silencieux, du point d’eau. La tête à moitié cachée par un rocher, il lape l’eau durant un long moment. Il relève la tête, regarde derrière lui. Trois autres Lions viennent le rejoindre. Un autre beau mâle accompagné de deux femelles. L’une d’elle doit être en chaleur car le nouveau mâle ne cesse de la suivre et de la sentir, babines retroussées… Une fois hydratées, les lions se retirent de quelques dizaines de mètres. Nous parvenons à les distinguer dans la pénombre grâce aux jumelles. Un rhinocéros noir arrive et contraint le groupe de lion à se déplacer pour s’affaler un peu plus loin. Pas de chance, c’est au tour d’un Eléphant d’emprunter le chemin vers le point d’eau. Les Lions doivent à nouveau se déplacer et s’éclipse dans la nuit. Nous aussi.