Il en faut peu pour être heureux

L’une de mes escapades probablement les plus marquantes de mon séjour en Calédonie. Direction Tiga, la plus petite des îles Loyauté. Située entre Mare et Lifou, Tiga accueille près de 80 âmes. On y vit simplement, en harmonie totale avec la nature, bien conscient des biens qu’elle nous prodigue mais également de la rareté de certaines denrées. La terre et le lagon se sont montrés généreux.

La journée tout le monde travaille aux champs. Les parcelles sont installées entre les blocs rocheux de façon désordonnée. Ignames, patates douces, tomates que l’on déguste comme si c’était un dessert et bien entendu pastèques dont la fête se déroule en janvier. La nuit, les hommes partent à la pêche revenant selon les hasards de l’océan, les barques chargées de perroquets, picots, langoustes ou poulpes. Tout est ensuite partagé entre les différentes familles, assurant ainsi à tous de quoi subsister. Il faut dire que le seul « magasin » de l’île ne propose que quelques biens de complément, cannettes de coca, tim tam ou encore soupes maggi.

Chasseur sous marin à Tiga

Mais ce qui manque à Tiga, c’est l’eau. L’île est en effet dépourvue de tout point d’eau naturel. Alors on s’organise en récupérant l’eau de pluie que l’on économise au maximum, les mois de sécheresse pouvant être longs ! Chaque habitation son système. L’eau ruisselant sur les toits en tôles est captée par des système de canalisation avant d’atterrir dans une citerne. Elle servira à l’eau potable, pour la vaisselle, la lessive et la douche, consistant généralement en une bassine d’eau accompagnée de sa casserole en guise de pommeau. Quant aux toilettes, il suffit de se rendre dans la brousse, seuls de rares logements étant équipés de toilettes sèches.

Quiconque désire expérimenter la véritable philosophie épicurienne et revenir aux valeurs essentielles ne peut être qu’enchanté par son séjour à Tiga où il aura la chance de rencontrer des personnes accueillantes, riches de leurs principes, de leurs histoires et de leur envie de partager. Ici on se sent loin du monde, les moyens de transports pour gagner Lifou ou la Grande Terre peu nombreux et aléatoires, et comme le formulait mon guide sur l’île : « tout ce qui se passe à Tiga se passe dans le monde, mais tout ce qui se passe dans le monde ne se passe pas à Tiga ».  

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Le warf de Tiga, un lien vers les autres îles

Que faire à Tiga ?

A chaque fois que je raconte que j’ai été à Tiga, la réaction est systématiquement la même : Mais il y a quoi à faire à Tiga ? Certes, les possibilités d’activités sont bien moins nombreuses qu’à Nouméa. Ici pas de sortie îlot, pas de restaurant, pas de centre de plongée. Mais quand on vit en brousse depuis trois ans, la perception n’est pas la même. Il suffit de changer de regard et se laisser gagner par l’ambiance de l’île et son propre rythme. Prenez le temps de discuter avec les locaux, ils sont heureux de partager leur expérience. J’ai appris ici une belle leçon de vie. Mais pour les hyperactifs, ne vous inquiétez pas, la réflexion philosophique n’est pas la seule activité à Tiga. Vous pouvez partager le temps d’un coup de pêche avec votre hôte si l’occasion se présente, ou faire du snorkeling depuis le warf, le récif est sublime. Plusieurs plages sont accessibles à pieds le long du village. Il est également possible de faire une balade guidée de trois heures sur l’île.

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Platier le long du warf

Pour les amateurs d’ornithologie, Tiga est intéressante pour l’observation des oiseaux marins. L’île accueille en effet la nidification des fous bruns et des frégates. Il est d’ailleurs possible d’observer ces dernières le soir prenant la direction de la terre.

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Frégate dans le soleil couchant

Un jardin sous marin

J’ai eu la chance d’accompagner par deux fois Titi, notre hôte airbnb, lors de ses coups de chasse sous marine. La première fois à l’intérieur du lagon, la seconde à l’extérieur. A chaque fois, cela a été un ravissement ! J’ai été vraiment émerveillée par la clarté de l’eau et la beauté des fonds. Les coraux en excellente santé rivalisent de couleurs avec les poissons. Les pêcheurs semblent ici moins gênés par les requins que dans le lagon de Koné. Je n’ai d’ailleurs observé que quelques pointes blanche.

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Un lagon au mille couleurs

Il est également possible de se baigner depuis le bout du warf et de longer ainsi le platier. J’ai pu y observer à nouveau des pointes blanches ainsi qu’un joli napoléon. A marée basse le platier est entièrement à découvert et laisse admirer ses couleurs depuis le warf. Ouvrez l’œil, quelques tortues vertes viennent parfois nager à proximité tandis que quelques sternes huppées viennent se poser sur les bornes d’amarrage avant de repartir en pêche.  

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Sterne huppée

Un tour guidé de l’île

Pour notre dernière journée sur l’île nous avons fait une balade guidée de l’île. C’est l’occasion rêvée pour découvrir les secrets de Tokanod, nom de Tiga en langue drehu : ses légendes, ses pratiques et ses paysages. Présentation des plantes et de leur utilisation, balade sur des plages désertes surplombées par des rochers aux formes légendaires : ici la voile du vieux Siwen, là la grotte du vieux Sireyaac, où encore la place où le pêcheur rendit le sein de Wanonothen. Notre guide nous conta en effet de nombreuses histoires marquées par un mélange de croyances animistes et de foi chrétienne. Il y a un sens à toute chose et rien n’arrive en vain. Je devais venir à Tiga, cela est indéniable et cette expédition de quelques jours seulement sera l’une de mes expériences les plus marquantes de ce séjour de quatre ans dans le Pacifique Sud.

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Notre guide
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Grotte abritant les lutins

Tokanod, l’île de la musique

L’eau ou la musique ? Selon la légende, la tribu dépêcha deux guerriers pour tenter de trouver de l’eau sur l’île. Au milieu de la forêt, ils trouvèrent une grotte où coulait une source. Mais les guerriers furent surpris par Sireyaac les mettant en garde contre l’arrivée des lutins. Les guerriers se cachèrent et eurent le privilège d’assister à leurs danses et chants. Une fois les lutins repartis, les deux hommes durent choisir entre l’eau ou le chant. Mais la frénésie de la nuit ne les avait pas lâchés, et c’est avec la musique qu’ils revinrent au village (Légende relatée par Wanir Welepane dans Tokanod, cette inconnue). Pas étonnant que l’île donna naissance à une longue tradition musicale allant des chants traditionnels au kaneka actuel comme le groupe Ekoten. On retrouve les chants de Tokanod jusque dans les œuvres de Moby. C’est en effet précisément cette chanson entendue par les guerriers dans la grotte Nyine u a tero qui est passée en boucle dans My Weakness qui clôt l’album Play. Cette utilisation avait fait l’objet d’une vaste polémique sur la petite île du Pacifique, se sentant à la fois fière mais en même temps spoliée de son patrimoine culturel.

Questions pratiques

Comment se rendre à Tiga ?

Des vols sont assurés depuis Lifou et Nouméa par la compagnie Air Loyauté.

Un bateau, le Ieneic, assure également une liaison deux fois par semaine depuis Lifou. La traversée dure deux heures.

Liens utiles :

Attention cependant ! Les transports et horaires peuvent être très aléatoires en fonction des conditions météo, matérielles ou autres … Comme me l’ont confié certains habitants, on sait quand on arrive à Tiga, on ne sait jamais quand on repart ! Nous avons en effet connu quelques complications pour rejoindre Lifou en raison d’un problème mécanique sur un avion. Mais bon, avec une journée de décalage, et deux escales supplémentaire par Nouméa puis Ouvéa nous sommes finalement arrivés à bon port.

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Arrivée à Tiga

Où loger à Tiga ?

Il y a pour l’instant peu de logements sur Tiga, seules deux familles disposent d’une case pour accueillir les touristes. J’ai logé chez Hélène et Titi, vraiment adorables. Il est possible de réserver la case sur airbnb et de réserver les repas pour le soir. Prévoyez donc de quoi vous emmener à manger pour les midi, sachant qu’il n’est pas possible de faire de courses sur place.

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Airbnb à Tiga

Quand aller à Tiga ?

En dehors de la saison des cyclones il n’y a pas vraiment de période à éviter. Le climat est clément toute l’année. Une petite préférence pour le mois d’octobre : il ne fait pas encore trop chaud et l’eau est moins fraiche qu’en plein hiver. Idéal pour la baignade ! 

La fête de la pastèque au mois de juillet est également l’occasion de venir découvrir cette île et ses habitants. 

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Les falaises de Tiga

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