Vendredi 17 juillet : Après avoir observé l’Eider de Steller à Nesseby, nous continuons la route. A quatre kilomètres d’ici, une autre coche est toujours possible. Elle nous a échappé à l’aller mais les données sur les sites internet signalent toujours la présence de la Macreuse à ailes blanches. Originaire de Sibérie, cette espèce n’est que très rarement observée en Europe. C’est une occasion qui ne se présente pas souvent, nous décidons de partir à sa recherche. C’est marée basse sur le Varanger et depuis la route on repère un groupe de Macreuses, mais pas de chance, il est sur le rivage opposé. Nous partons donc à pieds à travers le fjord et avançons dans sa direction jusqu’à ce que l’eau nous empêche de passer. Les oiseaux sont malgré tout encore bien loin et repérer l’oiseau au milieu des autres macreuses en train de s’activer à plonger n’est pas chose aisée. Pour ne rien arranger, la pluie se met à tomber et un petit vent froid se lève … les joies de l’arctique ! Nous passons plus de deux heures à rechercher le mâle de Macreuse à ailes blanches, scrutant chaque oiseau du groupe, pensant par moment l’avoir trouvé mais sans véritable conviction. Nous n’arrivons pas à trouver de nets critères discriminants par rapport aux mâles de Macreuses brunes présents. Nous devons bien constater que nous ne la cocherons pas cette fois ci ! Nous apprendrons dans l’après midi que ce n’était pas un mâle qu’il fallait rechercher mais une femelle … Nous avons bien vu qu’il y avait une femelle qui dénotait au milieu des autres mais notre attention était seulement fixée sur les mâles … bref nous n’avons pas été bon ce coup-ci !
Nous reprenons notre route direction la Russie. Pique nique dans les affûts de la réserve de Varangerbotn après avoir acheté quelques hamburgers à la station essence. A peine le village dépassé, que déjà nous devons nous arrêter. Sur le fil électrique qui traverse la route, une Chouette épervière se tient perchée. Elle observe la circulation des voitures et ne semble pas du tout gêné par notre stationnement à proximité. Nous faisons quelques photos mais comme il n’y a pas de lumière et que le support n’est pas des plus beaux, nous la laissons là et continuons d’avancer.
Les paysages sont jolis, la route belle mais la fatigue se fait sentir. Arrêt sur une aire de repos pour faire une bonne sieste. 1 heure plus tard, requinqué, nous avalons les derniers kilomètres qui nous séparent de Neiden et de sa chapelle. C’est ici que se trouvent les populations les plus occidentales du Pouillot boréal. Ces dernières semaines, 3 chanteurs ont été contactés dans le petit bois le long du cimetière. Nous arrivons semble-il au mauvais moment, il est 15h et l’ornitho norvégien du coin vient de passer une heure à les rechercher sans pouvoir y mettre un œil dessus. Mais sympa, il nous oriente vers un autre spot du côté de Pasvik, à quelques 80 km d’ici.
C’est reparti pour un tour en voiture. En fin d’après-midi nous arrivons sur site. Plutôt que de partir à la recherche du pouillot qui probablement ne chantera pas en cette fin de journée, nous préférons prospecter une petite route qui longe la rivière Pasvik. Des petits bois, des prairies de fauche, des tourbières et quelques fermes disséminées dans le paysage se découvrent à nous au détour de chaque virage. Une bécassine sourde s’envole à notre passage. Elle se repose dans la végétation au bord du petit ruisseau. On tente de voir la bête mais impossible de remettre l’œil dessus jusqu’à ce qu’elle décide de décoller à nouveau pour s’enfoncer dans la forêt. Frustrant !
Il y a une réserve dans le coin et nous ne tardons pas à la trouver. Un panneau, un petit parking et un cheminement en caillebotis nous emmène directement à un observatoire.
Nous sommes arrêtés dans notre élan par des chuintements inconnus. Alors que nous cherchons son origine, un Hibou des marais sort de la forêt, longe la lisière, se pose au sol et repart presque immédiatement. Les chuintements se sont arrêtés. Un rapide tour nous permet de découvrir dans la végétation le jeune hibou qui vient de se faire ravitailler. Iris jaune, pupille noire, il nous fixe de son magnifique regard. C’est encore une superbe rencontre et l’on prend le temps de l’observer. En Provence, malgré plus de 20 ans d’observation des oiseaux, cela ne nous est jamais arrivé de tomber sur un jeune nocturne. Nous immortalisons sa belle bouille puis doucement, nous rebroussons chemin et le laissons tranquille.
L’observatoire au bout du chemin est à la hauteur de ce que nous a habitué la Scandinavie. Bien placé, pratique, confortable … on peut se poser la question pourquoi n’a t’on pas les mêmes chez nous ? … bon c’est vrai qu’ici, personne ne s’amuse à les brûler …. La vue donne donc sur un méandre de la sage rivière Pasvik, qui, longue de 147km, sert de frontière avec la Russie sur la fin de son parcours. La vie ici est bien présente. Après quelques années d’abandon, une colonie de Mouettes pygmées s’est à nouveau installée dans les roselières ce printemps et la reproduction semble avoir réussi. Un adulte posé sur l’eau est accompagné de 10 jeunes volants. Les mouettes ne sont pas les seules à s’être reproduites ici, une femelle d’Harle piette se faufile dans les roseaux accompagnée de ses 6 jeunes. Côté russe, des miradors s’étirent le long de la frontière et c’est en les observant que l’on repère un Hibou des marais. En chasse celui-ci plonge régulièrement dans les roseaux, qu’ils soient russes ou norvégiens, il ne fait pas de distinction. Après plusieurs tentatives, il repart avec une proie. C’est visiblement une excellente année pour cette espèce dans ce bout du Finnmark car il s’agit ici d’un individu appartenant à un deuxième couple. En effet, il transporte sa proie vers la Russie.
Nous revenons à la voiture et continuons la prospection le long de la route. La lumière du soir est superbe et dans une prairie fraîchement coupée se tiennent côte à côte deux prédateurs : Un Busard St Martin et à nouveau un Hibou des marais. Le busard ne reste pas longtemps et préfère filer se reposer dans les hautes herbes plus loin, tandis que le hibou fera une démonstration de chasse sous nos yeux.
Ce soir c’est festival Hibou des marais.
Repas dans un cadre sauvage et somptueux accompagnés de quelques moustiques. Il a beau être 22h, le soleil est encore assez haut dans le ciel et l’envie de chercher de la bébête toujours là. C’est donc parti pour un night drive sous le soleil. Un Elan dans une clairière, encore du Hibou des marais, des Pluviers dorés dans le jardin d’une ferme, il y a bien de quoi s’occuper !
Quelques kilomètres plus loin, une sorte de gros faisan traverse la route 300 m devant nous. Coup d’œil rapide aux jumelles et bien, non, ce n’est pas un faisan mais un Tétras. Nous tentons de le rejoindre mais le temps d’arriver, il a poursuivi son chemin et s’est déjà réfugié dans la végétation. Soudain un bruit impressionnant de battements d’ailes, des branches qui cassent et tel un énorme Dindon, c’est un mâle de Grand tétras qui, avec fracas, sort du petit bois , survole la route et disparait presque aussitôt derrière la haie ! Courte observation mais intense ! On savait que la bête était grosse mais à tel point ! Nous sommes aux anges et parfaitement conscient de la chance que nous avons d’avoir pu croiser en cette saison ce farouche hôte des bois scandinave.
Comme pour une fois le ciel est dégagé, nous souhaitons voir le soleil de minuit. Lorsque les douze coups sonnent, nous sommes au bord d’une tourbière et écoutons le chant de 3 Chevaliers aboyeurs. Un moment de quiétude très apprécié. Le fin de la piste forestière sur laquelle nous nous sommes engagés nous révèlera encore quelques surprises avec du Hibou des marais et une bécasse en vol. Ce n’est que vers 1h30 du matin que nous fermons les yeux.
Samedi 18 juillet : Un parfait ciel bleu, un soleil brillant et une température assez élevée, voilà la météo en ce début de samedi. C’est d’ailleurs assez surprenant car jusqu’à maintenant, c’était plutôt superposition de couches de vêtements et bonnet afin de résister au froid ! L’activité des oiseaux autour de nous semble déjà battre son plein. Les Pipits farlouses volettent et les Pouillots fitis sont en pleine quête de nourriture. La cible du jour est le Pouillot boréal et une vingtaine de km nous en sépare. La partie goudronnée est assez vite parcourue mais comme toujours il y a une surprise lorsque l’on est pressée, qui nous force à nous arrêter. Non ce n’est pas un ours, quoiqu’à cette époque de l’année il soit possible de voir des femelles accompagnées de jeunes juste au bord de la route, mais une bécasse. C’est certes moins impressionnant mais quasiment aussi discret que le gros plantigrade. Une observation habituelle de bécasse se traduit par une silhouette observée en vol entre chien et loup. Aujourd’hui, pour la première fois, nous en voyons une posée bien évidence sur le talus en train de sonder de son long bec le sol meuble. Confiante dans son plumage cryptique, elle s’immobilise et attend. C’est parfait, nous pouvons sortir l’appareil photo et faire des photos plein cadre avec une lumière du matin parfaite. Le temps de jeter un coup d’œil au rendu des photos que la belle s’est envolée sans le moindre bruit …
Les derniers kilomètres se font le long d’une piste forestière qui descend vers un petit hameau construit le long d’un ruisseau se jetant dans un lac. C’est ici que des chanteurs de Pouillots boréaux ont été contactés. Nous prospectons les environs à l’écoute d’un chant ressemblant à celui du Pouillot de Bonelli. Nous croisons des Grives litornes, de la Mésange boréale, des Tarins des aulnes, du Pouillot fitis mais pas le moindre chant d’un boréal. Nous tentons notre chance sur une piste perpendiculaire s’enfonçant dans le sous-bois. Les moustiques semblent s’y concentrer mais là encore rien de bien intéressant côté oiseau.
Nous quittons le site un peu déçu de ne pas avoir pu contacter la moindre plume d’un boréal. Route vers Kirkenes où au gré des lacs nous voyons des Plongeons arctiques ou des Buses pattues.
Un SMS. Le pouillot boréal vient d’être vu. Un deuxième SMS, il nourrit. Nous décidons de faire demi-tour et de refaire les 40 minutes de route. Dans la descente menant au hameau du Pouillot, un lagopède tente de traverser la piste, mais il hésite et préfère se réfugier dans le caniveau. Nous arrêtons la voiture et attendons. L’oiseau ressort, c’est un mâle de Lagopède des saules accompagné quelques secondes plus tard par une femelle.
Les deux hésitent encore à traverser, puis le mâle suivi de la femelle se lancent quand nous comprenons pourquoi ils hésitaient. Deux petites boules de plumes sortent de la végétation. Elles rejoignent les parents et toute la famille disparaît dans le bois.
Nous retrouvons les amis ornithos qui nous ont prévenus pour le Pouillot. Au bord de la piste, à 5 m de l’endroit où nous avions garé notre voiture lors de notre premier passage, ils observent le Pouillot boréal. En fait, l’oiseau est au stade nourrissage et ne chante plus. Seul le petit cri de contact permet de le localiser. Comme tous les Pouillots, le nid est au sol. Ici c’est dans le talus à moins de 40 cm de la piste … Bref nous étions à côté de lui et avons même pris un café sans le voir ce matin ! 3 oiseaux semblent se relayer pour nourrir la progéniture dont un, au plumage abrasé, se trouve sans barres alaires. Les oiseaux sont très confiants et utilisent toujours les mêmes perchoirs à quelques mètres du nid.
Photos, films et longue séance d’observation sur ces petits Pouillots nous occupent durant plus de 30 minutes avant que l’arrivée des moustiques, de mouches et de taons nous mettent en fuite. Tous en veulent à notre sang ! La présence d’un couple de Balbuzard ne parviendra pas à nous faire rester. Nous quittons la Norvège et retour vers la Finlande.
Espèces observées à Neiden : Pouillot véloce (Common Chiffchaff) 1, Pouillot fitis (Willow Warbler) 3, Gobemouche gris (Spotted Flycatcher) 1, Pie bavarde (Common Magpie), Moineau domestique (House Sparrow), Pinson du Nord (Brambling) 2
Espèces observées dans la vallée de Pasvik : Canard siffleur (Eurasian Wigeon) 1F, Colvert (Mallard), Garrot à œil d’or (Common Goldeneye) 10, Harle piette (Smew) 2F+5J, Lagopède des saules (Willow Ptarmigan) 2ad+3j, Grand Tétras (Western Capercaillie) 1M, Plongeon arctique (Black-throated Loon), Busard Saint-Martin (Northern Harrier) 1F, Buse pattue (Rough-legged Buzzard) 10, Balbuzard pêcheur (Osprey) 1 couple, Pluvier doré (European Golden Plover) 3, Bécasse des bois (Eurasian Woodcock) 3, Chevalier aboyeur (Common Greenshank) 5, Chevalier sylvain (Wood Sandpiper) 4, Mouette rieuse (Black-headed Gull) 1, Goéland cendré (Mew Gull) 8, Goéland argenté (European Herring Gull) 2, Goéland marin (Great Black-backed Gull) 1, Mouette pygmée (Little Gull) 1ad + 10j, Sterne arctique (Arctic Tern) 6, Pigeon ramier (Common Wood Pigeon) 2, Coucou gris (Common Cuckoo) 1, Hibou des marais (Short-eared Owl) 7 + 1j, Hirondelle rustique (Barn Swallow) 2, Pipit farlouse (Meadow Pipit) 10, Bergeronnette grise (Yellow Wagtail) 2, Grive litorne (Fieldfare) 30, Grive mauvis (Redwing) 10, Phragmite des joncs (Sedge Warbler) 1, Pouillot boréal (Arctic Warbler) 1 couple, Pouillot fitis (Willow Warbler), Mésange à longue-queue (Long-tailed Tit) 2, Mésange boréale (Willow Tit) 2, Mésange charbonnière (Great Tit), Corneille mantelée, Grand Corbeau (Northern Raven) 2, Pinson des arbres (Common Chaffinch) 1, Pinson du Nord (Brambling) 10, Verdier d’Europe (European Greenfinch) 1, Tarin des aulnes (Eurasian Siskin) 3, Sizerin flammé (Common Redpoll).