Baisse des 500 francs, They de Ste Ursule ou  Baisse de Quenin, voila quelques uns des noms des baisses que l’on rencontre sur la pointe sud de la Camargue. Ces milieux, situés sous le niveau de la mer, sont recouverts d’une couche d’eau plus ou moins importante selon la période de l’année mais au maximum une dizaine de cm. Cette hauteur d’eau détermine la capacité d’accueil du site en limicoles. Lorsque  le niveau est suffisamment bas pour laisser apparaitre des zones de vasières exondées et si l’on est en période de migration, les bécasseaux s’y agglutinent. Escale privilégiée, ils refont le plein  d’énergie avant de reprendre leur long chemin.

Bécasseaux - Piémanson
Bécasseaux – Piémanson

Les plus nombreux sont les Bécasseaux variables, minutes et cocorlis ainsi que les Grands Gravelots.

Grand gravelot (Camargue)
Grand gravelot (Camargue)

Au milieu, les raretés sont à rechercher. Phalarope à bec étroit, Bécasseau falcinelle, Chevalier bargette sont les raretés « les plus communes ». Plus rares, le Bécasseau de Bonaparte, à échasses, Phalarope à bec large et de Wilson,  Gravelot de Leschenault, Pluvier fauve… raviront les amateurs de coches.

Au printemps, Avocettes et Echasses se rencontrent régulièrement et vagabondent au gré des milieux favorables. Les Sternes pierregarins s’installent sur les digues  ou sur les montilles pour y établir leur nid puis entament les incessants va et vient entre terre et mer notamment lorsque les jeunes éclosent.  Difficile au printemps de ne pas  entendre le chant et les cris des Bergeronnettes printanières. Elles trouvent ici un habitat favorable riche en nourriture (les petits moustiques…) et chaque salicorne est propice à accueillir un chanteur. Parfois, la bergeronnette est expulsée de son perchoir par une Fauvette à lunettes qui a déjà débuté sa reproduction dans  la même touffe de salicornes.

Bergeronnette printanière
Bergeronnette printanière

A la frénésie de la migration prénuptiale succède l’été qui est une saison plus calme. Les reproducteurs terminent de nourrir les derniers jeunes et l’activité se concentrent aux premières et dernières heures du jour.

Avec le début du mois d’août, la migration commence à se faire sentir à nouveau pour l’observateur attentif. Dans le ciel, quelques hirondelles de rivage se signalent avec leurs cris roulés. Au fil des jours, les effectifs croissent pour atteindre plusieurs milliers lors du pic de passage. Il en est de même pour les Grands gravelots dont les effectifs augmentent depuis la mi-juillet. L’espèce qui se reproduit en Scandinavie quitte très rapidement ses territoires de reproduction une fois les jeunes capables de voler. Les baisses camarguaises constituent alors une étape pour nombre d’entre eux lors de la migration automnale. Le stationnement pouvant durer plusieurs jours. Mais dès que les conditions météos redeviennent favorables, les baisses se vident durant la nuit, heures où ces limicoles migrent.

Une autre espèce de limicole voit aussi ses effectifs s’accroître rapidement à partir de la mi-août. C’est le bécasseau minute. Une petite boule de plumes d’à peine 30 g capable de parcourir d’énormes distances.  Pensez, il se reproduit tout en haut de la Norvège et part hiverner en Afrique du sud … une sacrée distance qui sera  parcourue deux fois dans l’année…

Bécasseau minute, Calidris minuta, Camargue, 13.
Bécasseau minute, Calidris minuta, Camargue, 13.

Viennent ensuite s’ajouter les bécasseaux variables et cocorlis au magnifique plumage nuptial. Si les adultes dominent durant les premières semaines de la migration, la tendance s’inverse rapidement et ce sont les jeunes qui occupent maintenant les vasières.  Durant les dernières heures avant la tombée de la nuit, c’est un autre spectacle qui se met en place. Après une journée de migration  ou de pêche en mer, les sternes caugeks et pierregarins  se rassemblent sur les ilots au milieu des baisses non sans au préalable passer par la station de nettoyage. Par petits groupes, elles font escale sur le Grau de Piémanson où l’eau y est faiblement salée. Une toilette complète leur permet de se débarrasser du sel qui s’est collé au plumage. Elles gagnent ensuite les ilots que les Guifettes noires ont déjà colonisés. Il est alors possible de dénombrer des dortoirs de plusieurs milliers d’individus. Parfois au milieu, se glissent des Guifettes leucoptères ou des Sternes à bec jaune.  Si l’eau autour de ces ilots isole les dortoirs des prédateurs terrestres, il n’en va pas de même pour les prédateurs ailés. C’est à cette heure-ci que les Faucons d’Eléonore et pèlerin  font un passage, semant la panique et faisant décoller toutes les sternes dans la lumière orange d’un soleil couchant d’été.  Chaque soir, quelques oiseaux serviront de repas à ces redoutables prédateurs.

sternes (1)

Le lendemain,  dès les premières lueurs  du jour, les sternes et les guifettes s’élancent vers la mer à grand renforts de cris. Par groupes de plusieurs dizaines à centaines d’individus, elles survolent les dunes puis la plage direction la mer où elles sont attendues par des pirates descendus des mers du nord. Ceux-ci croisent à quelques encablures de la côte. Ce sont principalement des Labbes parasites auxquels se joignent parfois des Labbes pomarins. Patients, ils volent nonchalamment en attendant de repérer une sterne avec son poisson fraichement capturé. Dès lors, le rythme des battements d’ailes s’accélère et la course poursuite s’engage. La sterne effectue de nombreuses pirouettes pour tenter de s’échapper mais les capacités voilières du Labbe sont exceptionnelles. Il l’a talonne, allant même jusqu’à lui tirer les plumes de la queue en vol pour la déstabiliser. Sous la pression, la sterne lâche sa proie immédiatement récupérée par le prédateur. C’est un moindre mal pour elle qui sauve sa peau car le labbe n’aurait pas hésité à la tuer.

En septembre, la migration des limicoles et des laridés commence à perdre en intensité, le gros des migrateurs est déjà passé. C’est au tour des passereaux d’arriver. Le ciel est devenu menaçant. Rougequeues, gobemouches, fauvettes tombent se réfugier dans les buissons de tamaris qui forment la dernière ligne de végétation avant plusieurs milliers de km de mer.

pouillot-grands-sourcils
Pouillot à grands sourcils, octobre 2014

L’escale durera le temps de refaire le plein d’énergie mais  l’instinct les pousse à repartir au plus tôt. Certains présumant de leurs forces ne dépasseront pas les premiers km de mer. A bout d’énergie, le moteur s’arrête d’un coup et l’oiseau chute dans l’eau. Il  flotte quelques instants chahutés par les vagues mais le plumage prend l’eau, l’oiseau s’alourdit et finit par couler. La fin de l’automne s’installe, les baisses se sont vidées. Elles ne se réveilleront qu’au printemps suivant.

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