cugno-la-libellule-et-le-philosophePeut-on être philosophe et naturaliste ? Voilà la question que se pose Alain Cugno, professeur de philosophie et amoureux des libellules dans son ouvrage La libellule et le philosophe. Les deux activités semblent a priori inconciliables, la philosophie s’enfonçant dans la rigueur de l’activité rationnelle tandis que le naturaliste bat la campagne pour tenter de capturer quelques instants : « En rapprochant la libellule et le philosophe, n’est-ce pas à cette frustration qu’il est fait référence ? N’est-ce pas la confrontation de deux êtres antithétiques inconciliables ? L’une toute en légèreté, volage, aérienne, féroce, insaisissable – éminemment superficielle – l’autre tout en poids, en lenteur et en profondeur, silencieux et immobile ? ».

Mais l’auteur cherche à jeter un pont entre ces deux mondes essentiellement différents. Le naturaliste n’est pas seulement l’enfance et la philosophie le travail sérieux de l’âge mûr. L’activité du naturaliste nous ouvre à des mondes différents. Ainsi, au début de l’ouvrage, A. Cugno décrit différents de ces mondes qui ne sont rien d’autres que les champs ouverts par les différentes activités naturalistes : l’ornithologue est l’homme de l’aube et pénètre dans un « monde inversé qui porte la marque des activités humaines (…) sans la présence des humains », le monde de l’herpétologue se borne à une petite surface, tandis que le mammalogiste est l’homme de l’affût (p. 40), il est « l’herméneute des forêts qui lit le passé sur le sol ». Quant à l’odonatologue, il ouvre un nouveau monde qui nous pousse à changer d’échelle : « Les oiseaux appartiennent à notre monde, se meuvent dans le même espace que nous, alors que les insectes nous font changer d’échelle, nous introduisent à un autre univers, un microcosmos qui exige qu’on parle une autre langue ». Dans un tel cadre, la photographie prend tout sens sens. La photographie favorise l’accès à ces mondes. Elle permet l’appropriation de l’instant dans toute sa précision. Mais la vérité est ailleurs. La vérité de la libellule est inaccessible : le vol et le départ sont son essence : « Les libellules ne volent pas, elles sont vont – toujours. Leur présence est leur départ ». Cet envol permanent est aussi celui de la pensée qui échappe toujours à sa formulation.

« Les idées sont des libellules dont les mots sont les ailes et le corps ».

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