octobre 2016. Le Der, c’est assez loin depuis nos terres provençales ! Il nous aura fallu un peu plus de 7 heures pour arriver en fin d’après-midi sur les rivages de ce lac artificiel en limite de la Champagne pouilleuse et humide. Longtemps l’une des régions les plus pauvres de France où seul l’élevage de moutons était possible, cette Champagne, avec l’avènement des engrais chimiques a vu naître son essor économique. Cultures céréalières, Betteraves à sucres, Pavots, plantes fourragères ont remplacé les landes à Genêts, Genévriers et Aubépines de jadis, alors seules formations à pouvoir croitre sur ces sols crayeux. Dans les environs du Lac du Der, le paysage soumis à davantage d’humidité, forme un bocage intéressant pour l’avifaune et la grande faune. A la suite des inondations de la Seine dans les années 1910 et 1920 puis le Marne dans les années 1950, la création d’un barrage est devenue une nécessité pour faire face aux crues dévastatrices de ces deux grands cours d’eau. Aujourd’hui, le Lac du Der remplit une cuvette argileuse de 4 800 ha pour le plus grand bonheur des oiseaux. Au fil des années, il est devenu une étape migratoire indispensable pour de nombreuses espèces et un site d’hivernage incontournable pour d’autres.
Samedi 29 octobre : Arrivés en fin d’après-midi, nous filons directement vers le Port de Nuisement, là où ont été faites les dernières observations du Pélican frisé qui stationne sur le secteur depuis plusieurs jours maintenant. Bon ok, l’espèce n’est pas cochable en France car identifiée comme origine douteuse, mais bon, ce n’est quand même pas tous les jours que l’on peut se faire plaisir à observer ce pélican !
Balade le long des digues, balayage systématique des groupes de cygnes, mais rien qui ressemble à un pélican. Qu’à cela ne tienne, on se fait plaisir sur le retour des grues en cette fin de journée. Par groupes d’une cinquantaine, souvent repérés d’abord aux cris, les grands échassiers rejoignent les rivages boueux du lac afin de passer une nuit tranquille.
La nuit est tombée lorsque nous quittons Nuisement. Dans les phares de la voiture, nous repérons un chat sauvage, enfin ce qu’il en reste, car sa rencontre avec une voiture lui a été fatale. Il gît au milieu de la route … ce n’est pas de cette façon que nous espérions voir cet hôte mythique des forêts du Nord-est de la France. Le Blaireau que nous croisons quelques kilomètres plus loin a plus de chance, il parvient à traverser la route sans encombre. Il y a du mammifère ici, c’est bon signe !
Dimanche 30 octobre : Un rituel pour tout séjour ici, c’est l’éveil des grues. Si régulièrement durant la nuit, on entend les cris trompétant des grues survolant la zone, ce n’est que dès les premières lueurs du jour que la rumeur naît. D’abord ténue, elle prend petit à petit de l’ampleur, comme si les grues se passaient le mot pour communier en cette nouvelle journée. Il fait froid mais quel spectacle de voir le ciel se parer de couleurs. Les tons oscillent entre le bleu et violet dans les premiers instants …
… puis, au fur et à mesure que le soleil se rapproche de l’horizon, les teintes chaudes orange puis rouges apparaissent.
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Il ne se passe pas une minute sans que le ciel ne fasse évoluer le kaléidoscope de ce spectacle matinal. Il sait récompenser ceux qui ont fait l’effort de sortir du lit, et l’on peut dire qu’ils sont nombreux ce matin !
Je disais qu’il faisait froid. Un petit vent, de l’humidité et une température supérieure à 0°C ce qui est sans comparaison aucune avec les glaciales températures que nous avions rencontré sur Gallocanta, cette terre perdue en Aragon où les grues ont décidé aussi d’hiverner chaque année. Je me souviens qu’au premier matin le thermomètre affichait un -12°C … Une première Grue s’élance, suivie d’une deuxième, voilà le premier envol du jour. Petit à petit, les autres grues leur emboitent le pas.
Sur plusieurs plans se superposent les vols de grues, parfois juste trois à quatre individus, parfois ce sont plusieurs dizaines qui ont décidé de faire route commune vers les champs environnants. Le soleil fait timidement son apparition, juste un arc de cercle rouge sur l’horizon l’occasion de faire des photos avec une nouvelle ambiance. Inexorablement, il prend de la hauteur et à présent c’est tout le disque qui est visible. La lumière qu’il distille reste pour quelques minutes encore dans les tons chauds, c’est cette magnifique couleur rouge que l’on a au lever et au coucher du soleil. Ensuite, la lumière deviendra plus blanche. Assez rapidement, les envols des grues ralentissent. Pourtant il en reste encore de nombreuses mais toutes ne semblent pas pressées de partir s’alimenter. Ce sera pour plus tard dans la matinée.
Nous abandonnons Grues et Oies cendrées pour partir explorer les digues au sud du Lac. Beaucoup de canards, mais ils sont assez lointains. Une longue-vue est indispensable pour reconnaitre les Canards souchets, les siffleurs, les Colverts ou les Pilets. Il y a aussi des limicoles, des petits bécasseaux mais la distance nous interdit toute identification certaine … probablement des Bécasseaux variables. Plus facile à identifier, des Chevaliers combattants et des Chevaliers gambettes.
Au niveau de l’église de Champaubert, les grands arbres du parc ont encore en cette saison leurs feuilles. Selon les essences, les couleurs sont différentes et offrent un très joli spectacle. Nous ne sommes pas habitués en basse Provence à avoir de telles couleurs d’automne ! En vain, nous cherchons le Pélican frisé et le Pygargue à queue blanche, même si pour ce dernier, il n’y a pas eu encore de donnée mais c’est durant la fin octobre que les premiers font leur apparition …
L’après midi ne sera pas plus prolifique mais les balades sont très agréables sur les digues et le retour des grues toujours aussi sympa.
Le soir, nous aurons la chance de croiser des Chevreuils et une chouette effraie.
Lundi 31 octobre : De nouveau les Grues pour le lever du jour. Difficile de rater un tel moment et même si l’on se dit que l’on a fait assez de photos la veille et qu’aujourd’hui, on va se limiter à quelques vues, il y a un “je ne sais quoi” qui nous pousse toujours à en faire de nouvelles. Peut être la beauté, la magie du moment, l’oubli de la qualité des photos de la veille en se disant que c’est différent et qu’il vaut mieux assurer, la frénésie du déclenchement, l’envie de garder une trace de ce temps qui fuit car l’on sait que notre mémoire est sélective et que sans la trace de la photo, il n’en restera peut-être pas grand chose. Au final, devant notre ordinateur à la maison on est content de ne pas avoir à ce moment là lésiné sur les déclenchements car les lumières sont d’une extraordinaire diversité et aucune photo n’est semblable à une autre. Il devient parfois difficile de ne sélectionner que quelques photos pour illustrer les articles du blog. Bref … voici les images sans plus de commentaire … ce qui se montre ne se dit pas …
Le passage des grues terminé, nous cherchons dans le lointain les oies. Des Oies des moissons et des rieuses ont été annoncées sur un spot, à une centaine de kilomètres au nord du Der. Il n’y a pas de raison que nous ne puissions pas en trouver ici ! Après un long moment nous parvenons à identifier une Oie rieuse à son front blanc. Des brumes de chaleur s’installent et la recherche à longue distance prend fin.
De nouveau, balade sur les digues sud et en fin d’après-midi enfin, nous repérons le Pélican frisé. Posé sur un îlot, il fait tranquillement sa toilette. Encore une fois l’observation est lointaine et les photos que nous tentons, de bien mauvaise qualité ! Nous l’observons un long moment, essayant de voir les critères de détermination de l’espèce mais bon on ne peut pas dire que cela soit concluant. Il finit par s’endormir, le bec dans l’aile, ce qui clôt notre observation.
Petit tour à l’église de Champaubert. De nombreuses Grandes aigrettes et Hérons cendrés nous occupe, mais toujours pas de pygargue. Fin de soirée sur les digues ouest du lac. Le passage des grues n’est pas ici des plus importants, mais un Faucon pèlerin est une belle surprise. Notre retour se fait de nuit, l’occasion d’une nouvelle observation d’un Blaireau.
Mardi 01 novembre : Lever des grues avec cette fois une nouvelle ambiance. Une légère brume est de la partie, créant un voile sur la lumière et des couleurs pastel que nous n’avions pas encore eues. Le début de la matinée est consacré aux oies. Au loin, encore une fois, ce sont environ 70 rieuses qui paissent. Par chance, un petit groupe finit par se rapprocher tout en restant à bonne distance. Mais l’observation à la longue-vue est bien plus plaisante !
Nous quittons les bords du lac pour partir explorer la forêt de l’Argentolle. De beaux chênes, de belles couleurs et de nouvelles espèces à chercher.
Le parcours balisé et agrémenté de panneaux indicatifs n’est pas très long, tout au plus 2,5 km. Objectif principal les pics et spécialement le Pic mar. Sittelle, mésanges nous accompagnent durant les premières centaines de mètres de la balade et notre premier pic, un épeiche en haut de son chêne. Pas un cri, juste le bruit des morceaux d’écorce qu’il fait voler à coup de bec puissant. Ce n’est pas lui que nous voulions mais on s’en contente et observons son manège. Un deuxième pic fait son apparition et l’épeiche s’empresse de le faire déguerpir. Le coup tordu, nous parvenons à le retrouver dans la canopée. Longtemps au trois quart dissimulé dans le feuillage, il fait une brève apparition à découvert sur une branche horizontale. Juste le temps pour nous de faire 4 photos, 3 floues et une seule à peu prêt nette, mais une branche au premier plan gêne la netteté sur la tête. Ce n’est pas bien grave, nous avons notre observation de mar !
Le reste de la balade est plus tranquille, à retenir le passage des grues au dessus de la forêt. Leurs cris retentissent dans le sous-bois avec une sonorité particulière. On ferme les yeux pour profiter pleinement. Un deuxième groupe en approche, celui-là on l’enregistre.
Le ciel se couvre et nous quittons le Der pour une incursion au lac de Ste Amance. En chemin le brouillard s’installe, puis une pluie fine. Les conditions se sont dégradées rapidement et lorsque l’on s’installe dans l’observatoire près de l’exutoire, le soleil des jours précédents nous semble bien loin. Observation de Cygnes de Bewick (merci à Serge pour l’info ;)) puis retour vers le Lac du Der où les conditions sont aussi mauvaises. Il ne nous reste alors plus qu’à redesendre vers le soleil provençal.
2 Comments
Guillaumet
Bonjour et félicitation pour ces très jolies photos. Je voulais vous informé que j’avais pris en photo ce fameux pélican le 29/11/16 entre le port de Nuisement et la presqu’île de Larzicourt.
Et bonne année !!
Seb & Sophie
Merci pour votre message et bonne année à vous aussi !