Arrivée au Cap Corse
Jeudi 05 mai 2016
Il est 8 heures du matin lorsque le navire lance les amarres dans le port de Bastia. La température est agréable et le soleil au rendez-vous. Nombre de passagers ne sont sortis sur les ponts du navire qu’au dernier moment pour apprécier la vue depuis la mer. Pourtant, le soleil est levé depuis un moment et le spectacle des côtes corses illuminées par la lumière matinale est déjà un indice de la beauté de l’ile. Nous croisons au large du cap corse avant d’obliquer vers le sud. Les iles de Giraglia, des Finocchiarola et sur l’horizon, l’italienne d’Elbe se succèdent. A cette heure matinale, la mer est étale, des conditions propices pour la recherche de cétacés.
Les cétacés autour de la Corse
Les eaux côtières corses hébergent une belle population de Grands Dauphins sédentaires. Il est donc possible de les voir tout au long de l’année. Le dénombrement de cette population a été effectué dans les années 2000 lors du Projet européen Life Linda et a permis de mettre en évidence une population avoisinant les 300 individus. Cette espèce fréquente le plateau continental ce qui correspond à la zone couverte par les isobathes 0 à 200 m. Le relief insulaire accidenté avec ses hautes montagnes se retrouve au niveau des fonds marins. Ainsi très rapidement dès que l’on s’éloigne de la côte, les fonds plongent à plus de 1000m. Par endroit, la zone couverte par le plateau continental n’est large que d’environ 1 km. Il est donc dans ces conditions assez aisé de voir des Grands Dauphins depuis la côte. Pas de chance pour nous ce matin, notre navire ne croisera pas leur trajectoire.
A cette époque de l’année, il y a une autre espèce de cétacés qui habite les eaux corses. Il s’agit du Rorqual commun qui, après un hivernage dans les eaux au large de la Tunisie, remonte à l’approche de l’été vers le nord afin de rejoindre les eaux riches en vie du golfe Ligure. Une partie des rorquals communs ne font qu’une halte dans les eaux corses, tandis que d’autres y établiront leurs estives. Pas de gros cétacés non plus pour nous ! En revanche, les Puffins cendrés et de Méditerranée sont assez nombreux et bien actifs, volant par petits groupes en file indienne vers le nord.
Carte
La fauvette de Moltoni
Le débarquement est rapidement effectué et sans perdre de temps, nous suivons les panneaux en direction du Cap Corse, première étape de notre week-end. Nous traversons plusieurs petits villages avant de vraiment se retrouver en pleine nature. La route est tout simplement magnifique avec vue sur la mer d’un côté et sur le maquis de l’autre.
A chaque arrêt, nous contactons des Fauvettes de Moltoni (anciennement une ssp de la Fauvette passerinette) grâce à son cri de contact, une trille faisant penser à celle du Troglodyte. Cette espèce d’affinité méditerranéenne se rencontre principalement en Corse, en Sardaigne mais aussi en Italie. A l’occasion au printemps, lors d’overshooting, il est possible de l’entendre dans les buissons de Camargue. Nous consacrons un peu de temps pour essayer de l’observer et tenter de la photographier. Les oiseaux sont bien actifs, chantent régulièrement, effectuent le vol de parade au dessus de la végétation mais restent l’essentiel de leur temps à l’intérieur des buissons. La circulation routière peu importante en début de matinée s’intensifie et devient pénible pour nous qui sommes arrêtés juste sur le bas côté. Nous parvenons à faire quand même quelques observations et quelques photos, en espérant pouvoir faire mieux ailleurs, dans un secteur plus tranquille …
Macinaggio
Vers 10h30, nous atteignons le village de Macinaggio. Sans véritable charme, il se trouve au fond d’une petite baie et possède une jolie plage. Juste derrière se trouvent des pâtures humides côtières, véritables aimants pour les migrateurs. Fauvette grisette, Tariers des près et bergeronnettes printanières sont les principaux passereaux en cette fin de matinée.
Comme le soleil est bien présent, il est facile d’observer dans la maigre végétation dunaire des Lézards sicilens dont les mâles arborent une belle teinte verte. Malgré cette couleur bien visible, ils se dissimulent parfaitement au milieu de la rase végétation printanière et ce n’est que lorsqu’ils se déplacent que nous parvenons à les repérer.
Sentier des douaniers
Le programme des prochaines heures est une balade le long du sentier des douaniers qui longe la côte rocheuse en direction des iles Finoccchiarola et du Cap Corse. L’omniprésente Fauvette de Moltoni se signale par sa trille et son chant dès que nous rencontrons des milieux où la strate arbustive dépasse le mètre en hauteur. En mer, un Cormoran huppé de méditerranée fait un bref passage. Nous trouvons une petite crique pour pique-niquer et c’est juste ce même instant que choisit le soleil pour se cacher derrière un épais voile de nuages.
Le Goéland d’Audouin
A 100 m de nous, un goéland vient se poser sur un bloc rocheux tombé de la falaise. Il s’agit d’un Goéland d’Audouin ! En France, cette espèce n’est établie qu’en Corse où selon les années, la population nicheuse évolue entre 55 et 105 couples (données entre 2008 et 2014). Ailleurs, sur le littoral méditerranéen français, c’est une espèce occasionnelle difficile à voir. Le Cap Corse est une zone traditionnelle de reproduction pour ce goéland mais depuis quelques années, les effectifs sont en chute libre. La tranquillité des iles autour du Cap Corse (Finocchiarola, Giraglia) n’est pas suffisante pour permettre la reproduction.
Si la prédation exercée par le Faucon pèlerin est marginale dans le recul de cette population, il semble que le facteur prépondérant soit la densité des Goélands leucophées. Plus précoce, ce goéland s’installe en premier et colonise les meilleurs emplacements. Une fois la reproduction avancée, il exerce une prédation sur les poussins d’Audouin. En 2013 et en 2014, aucun couple de ce rare goéland ne s’est reproduit sur le Cap. Pourtant des mesures visant à favoriser son installation et son succès reproducteur ont été mises en place dès 1995 avec des herbes sèches pour la construction du nid et des tuiles afin de fournir un abri aux jeunes. Encore plus préoccupant, depuis 2013, l’espèce ne se reproduit plus que sur une seule colonie près d’Ajaccio rendant cette population potentiellement menacée.
Nous observons notre oiseau de longues minutes, se sentant en sécurité sur son bout de rocher. Au passage d’un second individu au large, il se met à crier de sa voix rauque puis s’envole pour rejoindre son compère et tout deux s’éloignent vers le large.
Barcaggio
Nous quittons Macinaggio et prenons la route direction de Barcaggio. Sur les hauteurs du Cap Corse, une troupe de Guêpiers d’Europe chasse le long d’un coteau puis prend rapidement de la hauteur. Cet arrêt nous permet de détecter haut dans le ciel notre premier Faucon hobereau de l’année.
Dans la descente sur Barcaggio, nous tombons sur une zone de matorral qui sent bon la Fauvette sarde … Prospection de la zone alors que le soleil commence à s’incliner sur l’horizon.
Bon choix. La zone de pelouse est parsemée de Traquet motteux en halte migratoire. Ils se ravitaillent en cette fin de journée, en prévision du départ qui aura lieu dans l’heure suivant la tombée de la nuit.
A la recherche des fauvettes sardes
Un Coucou chante en contrebas et sur le mamelon voisin, une troupe de Guêpiers semble prendre le pouls de la distance à parcourir. A perte de vue, il n’y a que la mer, seul repère l’ile d’Elbe, au fond vers l’est. Un chant type pitchou s’élève des zones de buissons bas. Avec un peu d’attente, on finit par apercevoir, une puis trois Fauvettes sardes. Elles sont à contrejour et restent relativement éloignées. Les mâles s’activent bien en cette fin de journée mais il semble que la période principale de chant soit déjà passé et que les oiseaux soit en phase de nourrissage. Nous repérons les postes de chant occupés le long de la piste en se disant que demain, si les conditions météos sont bonnes, nous pourrons tenter de faire quelques photos. Nous laissons nos Fauvettes et descendons jusqu’au village de Barcaggio, paisible en cette fin de journée.
L’embouchure du ruisseau l’Acqua tignese
Nous nous garons près de l’embouchure du ruisseau l’Acqua tignese dont l’embouchure fait face à l’ile de Giraglia.
Une passerelle permet de traverser le ruisseau. Avant de la franchir nous nous installons au bord du cours d’eau. La journée a été chaude et quelques oiseaux profitent de cette heure tardive et de la fraicheur qui s’installent pour venir s’abreuver. Deux Bruants ortolans descendent des buissons sur le bord d’une petite mare. Quelques instants après, ils s’envolent et disparaissent dans l’inextricable entrelacs de branchages épineux. Un Pouillot fitis se balade également dans les arbres voisins ainsi qu’un autre migrateur, un Hypolaïs ictérine. Nous avons peu souvent l’occasion de faire de belles observations de cet hypolaïs d’affinité plus nordique.
Nous terminons notre soirée sur la plage de Cata, protégée par le Conservatoire du littoral en raison de sa richesse en plantes rares et endémiques corses ainsi que pour les populations d’amphibiens que l’on rencontre le long du ruisseau ou dans les arrières-dunes.
