Difficile de rater le bison à Bialowieza ! On le trouve partout : sur les devantures des magasins, dans les boutiques de souvenirs, en statue dans les parcs, sur les bouteilles de bière et de vodka, les panneaux de signalisation mettent en garde les automobilistes … Bref le bison est partout. Mais pour en trouver un vrai, c’est une autre histoire !
Avec un poids avoisinant la tonne, une hauteur au garrot d’1,80m, mesurant 3m de long, les mâles du Bison d’Europe sont vraiment impressionnants ! Les femelles, quant à elles, ne pèsent “qu'”entre 300 et 600 kg. Il s’agit là du plus gros mammifère terrestre d’Europe. Une espèce mythique donc et qui a motivé ce voyage en Pologne.
Présent dans la grande majorité de l’Europe jusqu’au Moyen-Age, ce géant a bien failli disparaître à l’image de son cousin l’auroch. Son habitat détruit, largement chassé, il disparut de France au VIIIème siècle, puis de Suisse au XIème et d’Allemagne et de Roumanie au XVIIème. Il ne survivait plus qu’en Pologne, mais le dernier fut tué dans la forêt de Bialowieza en 1919. Il ne subsistait alors que 54 individus en parc zoologique. En 1923 voit le jour la Société internationale pour la protection du Bison d’Europe. Les zoo commencent à échanger des individus pour leur permettre de se reproduire en mélangeant leur provenance et un European Bison Pedigree Book est mis en place. Cet outil permet de suivre la généalogie des bisons pour limiter la consanguinité et les croisements entre sous-espèces et entre espèces. En effet, le Bison d’Europe Bison bonasus comptait 3 sous-espèces :
- le Bison de plaine Bison bonasus bonasus (celui que l’on peut observer dans la forêt de Bialowieza)
- Le Bison du Caucase Bison bonasus caucasicus
- Bison bonasus hungarorum
Ces deux-dernières sous-espèces sont éteintes, mais il restait après la première guerre mondiale des individus hybrides entre Bb bonasus et Bb caucasicus. Certains bisons d’Europe ont également été croisés avec le Bison d’Amérique Bison bison. Certains vivent à l’état sauvage comme ceux introduits en Russie dans les années 50 et d’autres en semi-liberté et en captivité. Ces animaux hybrides ne sont pas considérés comme des bisons d’Europe et ne sont pas décomptés dans les effectifs de l’espèce.
Pour préserver la pureté de la lignée de Bison de plaine, seuls 7 individus non hybridés de cette sous-espèces, 4 mâles et 3 femelles, ont été utilisés pour reconstituer la population de la forêt de Bialowieza. Les premiers individus y ont été réintroduits en 1952, opération couronnée de ce succès puisque la population de Bialowieza a été estimée lors des derniers comptages à 596 individus côté polonais et 512 côté biélorusse. D’autres programmes de réintroduction ont été menés en Pologne, comme dans les Carpates où les troupeaux sont issus d’une lignée mixte Bb bonasus X Bb caucasicus, ainsi que dans d’autres pays européens (Roumanie, Biélorussie, Ukraine … et même en Allemagne). En France, il n’est possible d’observer le Bison d’Europe qu’en semi-liberté dans des parcs comme la réserve du Haut-Thorenc (Alpes-maritimes) ou à Sainte-Eulalie (Lozère).
A Biolowieza, il existe également un parc possédant quelques bisons en semi-liberté : European bison Show reserve. Cela peut permettre de voir les animaux et probablement d’apprendre des choses sur l’histoire de la réintroduction en Pologne ou sur leurs mœurs. Mais nous n’avons pas tenté l’expérience. Ce sont des bisons sauvages que nous désirions voir ! L’hiver est probablement la saison la plus favorable pour les observer. Ils existe des points de nourrissage dans les clairières où les animaux ont l’habitude de venir. Mais il faut se préparer à affronter le froid glacial ! En été, les bisons restent en forêt. A l’aube et le soir, il est cependant possible de les croiser dans les prairies. Un petit hic : l’aube, à cette période de l’année, est … à 3 heure du matin … Mais nous sommes vraiment motivés, et les deux premiers jours, les 8 et 9 juillet, nous allons de prairie en prairie entre Bialowieza et Teremiski à la recherche de la bête, juste avant le lever du soleil. Sans succès malheureusement ! La première soirée à Kosy most n’est pas plus fructueuse.
Le 9 au soir, sur les conseils d’un guide, nous tentons d’autres prairies près de Bialowieza, juste en bordure de la forêt.
Effectivement, les lieux semblent bien fréquentés par les bisons … Nous sommes sur la bonne piste !
L’empreinte des pattes est à elle seule impressionnante et laisse imaginer la taille de l’animal. Mais pour l’instant, le soleil est encore haut dans le ciel. Il est un peu trop tôt. Un couple de Pie-grièche écorcheur ravitaille, une bondrée passe en vol. Mais l’esprit n’est pas vraiment en mode ornitho. Le soleil finit par descendre sur l’horizon. Les râles des genêts se mettent à chanter. Derrière les buissons, se dessine une forme sombre … qui avance ! Oui un bison ! enfin ! Son pas est lourd, sonore et paisible. Il ne semble pas du tout porter attention à notre présence, pas plus qu’aux myriades de taons et de mouches qui tournent autour de lui. Il s’agit d’un bon gros mâle, imposant ! Il disparaît dans un bois le long du chemin. D’après sa trajectoire et son rythme il ne devrait pas tarder à ressortir. Je me positionne à bonne distance et attends. Quelques minutes après, le voilà qui ressort à nouveau. C’est le moment de faire quelques images pour le souvenir, la lumière est déjà faible et il reste de 3/4 de dos. Enfin on ne va pas se plaindre !
Il traverse la piste pour gagner la prairie où il s’alimente tout en continuant d’avancer vers la forêt qu’il finit par gagner. Instants d’une rare intensité !
Quelques soirs plus tard, le 16 juillet, nous tentons à nouveau l’expérience. Nous commençons à longer les prairies, en limite de la forêt qui marque également la frontière avec la Biélorussie. Le sol est étrangement particulièrement sableux sur cette zone. Au moins les traces d’animaux sont bien marquées ! les nôtres aussi d’ailleurs … Des traces de cervidés, mais moins d’empreintes de bison que la première fois. Une Pluie fine se met à tomber. C’est le moment que choisit un crapaud commun pour sortir de sa cachette.
Mais ce n’est qu’une averse passagère et bientôt le soleil illumine les prairies tandis qu’un arc-en-ciel se dessine au-dessus de la forêt.
Nous surprenons un groupe de biches dont seules les têtes émergent au-dessus de la végétation.
Elles finissent par détecter notre présence et déguerpissent.
Nous aurons beau scruter toute la zone, changer de prairie, nous ne trouverons pas de bison ce soir. On ne gagne pas à tous les coups et c’est aussi cela qui fait le charme de la nature : jamais rien n’est gagné à l’avance !
Mais l’histoire de notre virée près de la bordure ne s’arrête pas là. Le lendemain matin, alors que nous quittions le village de Bialowieza, une voiture de garde-frontière s’arrête, gyrophares allumés, derrière nous en nous demandant de sortir du véhicule. “Que faisiez-vous hier soir à la frontière biélorusse ? Nous avons vu votre voiture à proximité et nous avons eu un incident à la frontière” nous explique poliment en anglais la garde accompagnée d’un autre agent ne parlant que polonais et lui glissant de temps à autres quelques mots incompréhensibles pour nous. Nous expliquons que nous cherchions les bisons. Ils demandent à voir les photos prises avec les horaires. “Pouvons-nous voir vos semelles ?” Étonnement de notre part mais nous nous plions à la requête, montrons le dessous de chacune de nos chaussures. Effectivement, ce n’est pas nous qu’ils cherchent. Nous comprenons alors le rôle du sable autour des prairies, ce n’est pas là par hasard ni en raison d’une particularité géologique, ni pour repérer les bisons … c’est pour relever les empreintes de ceux qui s’aventurent trop près de la zone frontalière. Ils concluent alors leur entretien en nous souhaitant de bonnes vacances et en nous rappelant de demander un permis la prochaine fois que nous voulons aller sur cette zone.
1 Commentaire
Frédéric BACUEZ
Ha ha ha, j’adore la chute ! Exactement la même expérience pour nous, sans le coup des chaussures mais par des températures autrement moins clémentes, dans les plaines au nord-est de Bialo… Il faut dire que moins d’une heure auparavant, mon (jeune) complice avait semblé, en suivant un petit groupe de bisons, narguer le dispositif sécuritaire (panneaux, caméras) dans la bande de prairie qui sépare la Pologne du Bélarus… Amitiés. Frédéric.