A la découverte des secrets d’Azraq. La région d’Azraq nécessite le détour lors de votre voyage en Jordanie. Son patrimoine naturel et culturel sont en effet exceptionnels. Certes, la renommée d’Azraq est incomparable aux autres sites de la Jordanie comme Pétra et le wadi rum. Elle se trouve pourtant à la croisée des routes migratoires aussi bien pour les hommes que pour les oiseaux. La zone humide d’Azraq, seule source permanente d’eau douce dans cette région aride, a en effet longtemps offert un refuge pour les caravanes chargées d’épices et d’herbes. Elle contrôle ainsi l’extrémité nord du wadi Sirhan. Mais, la surexploitation des ressources en eau aujourd’hui conduit au tarissement de cet oasis. Suivez-nous donc sur les traces des anciens trésors d’Azraq.

Route pour Azraq

Le ciel blanchi par la chaleur est traversé par d’impressionnants tourbillons de sable soulevés par le vent. Une large double voie file en direction de l’Est aux frontières de l’Arabie Saoudite, de la Syrie et de l’Irak. Pas simple de faire un stop pour explorer la zone ou de faire demi-tour … Nous trouvons une aire de parking qui nous permet de faire un rapide petit tour à pied dans ce désert rocailleux où je n’observerai que des cochevis huppés.

Les camps de réfugiés syriens, barricadés et entourés de postes militaires nous rappellent à la tragique réalité géopolitique de cette région du monde. Des voitures de police jalonnent la route, arrêtant au hasard les véhicules. Notre passeport français semble nous exempter de contrôle. On jette à peine un coup d’œil sur la couverture et on lance, « go, welcome in Jordan ».

Mais les touristes se font plutôt rares dans la zone. Nous sommes d’ailleurs étonnés en arrivant à Azrak. Peu d’endroits pour se restaurer, encore plus compliqué pour se loger. Nous avions réservé une chambre d’hôtel via Booking au dernier hôtel de la ville. Nous sommes accueillis par un jeune très aimable, seul dans son grand hôtel en partie délabré, témoin d’une époque touristique révolue. Il nous conduit à notre chambre, donnant sur une piscine désormais vide et fissurée.

Qasr al-Azraq

Nous passons notre après-midi à explorer les environs et commençons par le réputé Qasr al-Azraq qui signifie « la forteresse bleue ». L’oasis d’Azraq est fréquentée depuis l’âge de fer. Il devient par la suite un avant-poste stratégique de l’Empire Romain. La datation du fort, quant à elle, n’est pas certaine remontant soit sous Dioclétien entre 295 et 305 soit sous Aurélien entre 270 et 275. Durant la période islamique, il est occupé par intermittence. L’insécurité règne dans cette zone aux confins de l’empire Ottoman. En 1917, Lawrence d’Arabie y installe ses quartiers lors de la révolte arable contre l’Empire.

Info pratique : l’entrée est comprise dans le Jordan pass

La réserve de Shaumari

La réserve de Shaumari a été créée en 1975 par la Royal Society for the Conservation of Nature comme centre d’élevage pour les espèces sauvages menacées ou localement disparues. Aujourd’hui, grâce à des programmes d’élevage menés avec certains des plus grands parcs animaliers et zoos du monde, cette petite réserve de 22 kilomètres carrés constitue un environnement protégé et prospère pour certaines des espèces animales les plus rares du Moyen-Orient. Oryx, autruches, onagres (un âne sauvage d’Asie) et gazelles, représentés sur de nombreuses mosaïques byzantines locales du VIe siècle, reconstituent leurs populations et réaffirment leur présence dans ce havre de paix, protégé de la chasse et de la destruction de leur habitat qui ont failli les anéantir.

Comment visiter la réserve de Shaumari ?

Plusieurs options s’offrent à vous pour découvrir la réserve : à pieds (mais vous n’avez accès qu’à une toute petite zone), en vélo ou en mode 4X4 safari jeep. Avec le vent violent, nous optons pour la voiture. Nous n’avons pas réservé à l’avance. Mais par chance un couple de belges avait réservé un “safari court”. Nous nous joignons à eux pour la balade qui commencent par le centre des visiteurs présentant des panneaux sur la faune et la réserve ainsi que quelques animaux en captivité : un hémione, quelques gazelles et deux autruches.

Tarif : environ 20€ / perso pour le safari court

Je suis pour ma part plus intéressée par les nombreux passereaux à l’abri dans les arbustes dont une jolie femelle de gobemouche à collier.

Nous embarquons ensuite à bord de la jeep. Le guide nous prête des jumelles et nous filons à travers les étendues désertiques, scrutant le paysage à la recherche de l’espèce emblématique.

L’oryx d’Arabie, une espèce emblématique

Ce n’est que sur la fin de notre boucle que nous croisons un groupe d’oryx. Certes, nous ne sommes pas à l’état sauvage et le troupeau est en semi-liberté, ou en semi-captivité, selon comment on voit les choses. Mais l’émotion de croiser cette espèce si rare et mythique et néanmoins au RDV. Le troupeau comprend également quelques jeunes et garde une bonne distance de sécurité. Il faut se réjouir de voir de tels projets mis en place. Espérons que les programmes de réintroduction finissent par porter leurs fruits … même si le modèle d’Oman n’est pas très encourageant … Le braconnage y est en effet très important.

L’oryx d’Arabie, seule représentante du genre oryx hors Afrique, occupait autrefois toute la péninsule arabique. La dernière de ces majestueuses antilopes disparaît de la Jordanie dans les années 60. Le dernier individu à l’état sauvage est abattu à Oman en 1972. Heureusement, la constitution d’un troupeau au zoo de Phoenix à partir d’individus en provenance d’Arabie Saoudite et d’autres réserves à travers le monde a permis de donner naissance à des programmes de réintroduction à l’état sauvage.

En 2011 la population d’oryx d’Arabie à l’état sauvage est estimé à 1000 individus et 7000 sont recensés dans les zoos et des espaces clôturés comme ici. En 1978, onze oryx d’Arabie ont été réintroduits à Shaumari. Leur nombre a donc aujourd’hui atteint le chiffre de deux cent. L’opération Oryx a connu un tel succès que la Jordanie fournit désormais des oryx à d’autres pays, qui mènent des programmes de réintroduction. Quelques antilopes ont également été introduites dans le Wadi Rum.

Oiseaux observés dans la réserve de Shaumari
blank
Liste des espèces
Cochevis huppéCrested Lark
Bulbul à oreillons blancsWhite-eared Bulbul
Hipolaïs pâleEastern Olivaceous Warbler
Fauvette à tête noireBlackcap
Fauvette babillardeLesser Whitethroat
Gobemouche à collierCollared Flycatcher
Rougequeue à front blancCommon Redstart
Moineau domestiqueHouse Sparrow

Les châteaux du désert
Qusair Amra

Nous poursuivons notre découverte de la région d’Azraq par les châteaux du désert. Nous commençons par Qusair Amra, en arabe le « petit palais », le plus célèbre des châteaux de l’Est jordanien. Il faut dire que c’est véritable petit bijou, particulièrement bien conservé, aux fresques à la fois esthétiques et saisissantes. Le guide qui nous accueille est d’ailleurs très fier de nous montrer ce trésor et m’incite à multiplier le nombre de photos. Ce palais, témoin du premier art omeyyade, fût un lieu de villégiature pour le calife. Au cœur du wadi Boutoum, cette petite station thermale était alimentée en eau toute l’année. Le site est aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Qasr Al-Harranah

Deuxième château réputé à l’Est d’Amman : Qasr Al-Harranah. Mais le site est déjà fermé lorsque nous arrivons et nous nous contenterons d’une photo prise de l’extérieur.

blank

Alors que le soleil décline, nous retournons à Azraq et baladons en limite des zones agricoles à la sortie de la ville. Mais les oiseaux sont lointains. Des groupes de passereaux survolent les prairies au loin. Mais sans jumelles, impossible de les identifier. Nous rentrons passer la nuit dans notre semblant d’hôtel.

Aux portes du désert de basalte

Au petit matin, nous nous rendons à l’Est d’Azraq, aux portes du désert noir. Ce désert de basalte s’étend sur 50 000 km2 partagés entre la Syrie, l’Arabie saoudite et la Jordanie. Cette zone comprend près de 800 volcans et accueille des espèces endémiques comme le rare traquet du basalte et une sous-espèce de l’ammomane isabelline annae. Malheureusement je ne les trouverai pas. Il aurait fallu aller bien plus à l’Est, après Safawi, mais nous n’avions pas le temps.

blank

Nous arpentons des pistes improbables tiraillées entre la Syrie et l’Irak, traversées par des hordes de chiens errants. Le ciel ce matin, particulièrement noir, crée une ambiance presque post-apocalyptique. On se croirait dans un film de science-fiction !

De temps à autre, un bus chargé de travailleurs nous dépasse tandis que nous marchons. Welcome in Jordan lancent-ils.

blank

Nous grimpons aux ruines du château Qasr al-Usaykhim dont seule une arche a su résister au temps.

blank

Le chant d’un oiseau résonne au milieu des blocs rocheux. Je tente de me guider au son (et oui pas de jumelles) et finis par trouver ce joli traquet à tête blanche.

Nous rentrons à l’hôtel pour prendre le petit déj avant de terminer notre visite d’Azraq par la zone humide.

La zone humide d’Azraq
Effondrement écologique

Après un copieux petit déj nous nous rendons à la réserve d’Azraq qui n’ouvre qu’à 9h. Autrefois, cette zone humide était exceptionnelle. Créée il y a 250 000 ans, cette oasis au milieu du désert a fait la richesse d’Azraq. Point d’eau pour les caravanes chargées d’épices, halte pour les oiseaux migrateurs, la zone humide d’Azraq participe depuis les années 60 à l’approvisionnement en eau d’Amman.

Des efforts de conservation sont malgré tout réalisés. En 1977 la zone est désignée en site RAMSAR et un an plus tard la société royale pour la conservation de la nature en fait une réserve. Mais en 1992, la source se tarit, les buffles d’eau dépérirent tous et les oiseaux migrateurs changèrent de route.

De la richesse de l’oasis, il ne reste que quelques traces. Malgré l’approvisionnement en eau consacré à sa restauration, le site n’a recouvré que 10% de sa taille originelle. 25km2 sont aujourd’hui asséchés. Azraq continue d’approvisionner Amman et la construction de puits illégaux aggrave le phénomène. Les mesures prises ne semblent pas à la hauteur de l’effondrement écologique que connaît la réserve.

blank
Balade dans la réserve d’Azraq

Pour visiter la réserve deux options sont possibles : une longue boucle et une plus courte. Comptez environ 2h pour la version courte. Les passereaux migrateurs sont nombreux dans les buissons : hypolaïs pâle, rougequeue à front blanc, tarier des prés, et surtout de nombreuses rousserolles effarvattes. Une flèche rousse disparaît furtivement au pied de la végétation, je pense, j’espère, un agrobate, mais ce n’est qu’un rossignole philomèle. Les effectifs de fauvettes babillardes et à tête noire sont également importants.

Dans les observations sympas de mon point de vue quelques gobemouches à collier, mâle et femelle. Cette espèce n’est que de passage ici. Certes, on peut à l’occasion l’observer en migration en Provence mais je ne l’ai pas encore croisé en France. Le gobemouche à collier niche à partir de l’Est de la France jusqu’à l’ouest de la Russie, dans les forêts de feuillis. J’avais d’ailleurs fait de belles observations en Hongrie.

blank

Le sentier passe ensuite sur des pilotis au milieu d’une zone alimentée en eau et conduit à un observatoire. Quelques foulques longent la roselière tandis qu’un crabier tente de se dissimuler. Quelques guêpiers d’Europe survolent la zone tandis qu’un busard des roseaux fait une brève apparition. Nous revenons au parking, terrain de chasse d’une pie-grièche masquée. Au final, nous n’observons qu’une vingtaine d’espèces en près de 2h, même sans jumelles, c’est un petit score.

blank
Liste des oiseaux observés dans la zone humide

Canard colvertMallard
Crabier cheveluSquacco Heron
Busard des roseauxEurasian Marsh-Harrier
Foulque macrouleEurasian Coot
Tourterelle turqueEurasian Collared-Dove
Tourterelle mailléeLaughing Dove
Guêpier d’EuropeEuropean Bee-eater
Pie-grièche masquéeMasked Shrike
Cochevis huppéCrested Lark
Hirondelle rustiqueBarn Swallow
Hirondelle rousselineRed-rumped Swallow
Pouillot véloceCommon Chiffchaff
Hipolaïs pâleEastern Olivaceous Warbler
Rousserolle effarvatteEurasian Reed-Warbler
Fauvette à tête noireBlackcap
Fauvette babillardeLesser Whitethroat
Rossignol philomèleCommon Nightingale
Gobemouche à collierCollared Flycatcher
Rougequeue à front blancCommon Redstart
Tarier des présWhinchat
Moineau domestiqueHouse Sparrow

Quelques informations pratiques pour visiter Azraq

J’ai vraiment aimé cette partie de la Jordanie et regretté de ne pas avoir une journée supplémentaire pour pousser plus à l’Est. Nous n’avons passé que de demi-journées particulièrement bien remplies. Pas forcément facile de trouver de quoi se loger sur Azraq. Vous pouvez, comme la plupart des touristes visiblement, dormir près d’Amman et consacrer une journée entière à cette partie. Si vous êtes prêts à dormir dans des conditions plus rudimentaires, vous pouvez opter comme nous pour l’hôtel d’Azraq.

La route du désert

Mais il est temps pour nous de quitter cette partie de la Jordanie pour nous rendre dans la vallée de Dana. Nous choisissons la route du désert. C’est parti pour 4h de trajet au milieu de nulle part. Nous croisons d’ailleurs assez peu de véhicules. Les brumes de chaleurs sont intenses et les nuages de sable traversent régulièrement la route. Nous tentons quelques arrêts au hasard, ce qui me donne l’occasion d’observer un traquet motteux et quelques alouettes bilophes. Nous arrivons enfin en milieu d’après-midi dans la vallée verdoyante de Dana. Changement d’ambiance !

Oiseaux observés sur la route du désert
Corbeau brunBrown-necked Raven
Cochevis huppéCrested Lark
Alouette bilopheTemminck’s Lark
Traquet motteuxNorthern Wheatear

Laissez un commentaire