Rendez-vous au bout du monde !
Vous avez soif de découverte et de dépaysement ? Alors je vous conseille de consacrer trois jours à la découverte de cette région isolée du caillou au sud de Thio. Entre exploitations minières et tribus, vous pourrez ainsi vous immerger dans la culture kanak et découvrir des paysages à couper le souffle.
Conseil d’itinéraire :
Jour 1 : Trajet jusqu’au au petit Borindi. Comptez 4h depuis Nouméa ou 4h30 depuis Kone pour atteindre le bout de l’itinéraire sans les arrêts. Profitez de la route et des multiples points de vue pour passer la nuit chez Mamie Georgette. Pensez à réserver le repas, il est excellent.
Jour 2 : Profitez de votre matinée sur les rives de l’estuaire Ngoi. Des canoës sont disponibles au gîte. Si vous êtes courageux, c’est aussi un point de départ pour l’ascension du mont Humboldt. Organisez-vous avec le gîte pour prévoir qu’ils vous conduisent au point de départ du sentier. Il faut alors prévoir une journée supplémentaire. Reprenez la route en vous arrêtant au bord de la baie de Port-Bouquet. Dormez au camping La Moara.
Jour 3 : Snorkeling au camping en espérant observer le dugong. Mais faites attention à cet animal sauvage. Même s’il semble paisible, il peut être très dangereux. Retour sur Thio où il est possible de faire une halte avant de reprendre la transversale.
La transversale de Boulouparis à Thio
La chaîne trace une véritable barrière au milieu du Caillou. En changeant de côte, on change également d’ambiance et de décor. La transversale longe la rivière Kuenthio au milieu des forêts de niaoulis. Ici, la végétation semble moins luxuriante que sur la Konetiwaka. De plus, les exploitations minières ont laissé de profondes cicatrices sur les sommets alentours. C’est la fin d’après-midi. Le soleil décline à l’ouest et illumine les versants de la route. Le rouge contraste d’autant plus avec la brousse verdoyante.
Avant d’arriver à Thio, prenez le temps de vous arrêter pour contempler les pétroglyphes à droite au bord de la route. Rares témoins d’une culture ancestrale, pourtant toujours vive dans l’esprit local.
Thio
Le village de Thio est séparé en deux par le fleuve : Thio-mission sur la rive droite, et Thio-village sur la rive gauche. Thio fait partie de l’aire coutumière Xarachuu. Si vous avez du temps, visitez le musée de la mine. En effet, l’histoire de la commune a été profondément marquée par l’exploitation du nickel. La mine rose est d’ailleurs le premier site au monde d’exploitation de ce minerai. Elle est considérée en 1875 comme la capitale du nickel. 1880 voit alors la naissance de la SLN et la création du port minéralier près de la mission. Jusque dans les années 1930, Thio est restée la plus riche des communes de Calédonie.
Mais le nickel n’est pas la seule dimension marquante de l’histoire de la commune. Thio s’est également retrouvé au cœur des “Evénements” opposant le parti loyaliste aux indépendantistes dans les années 80. En effet, Thio était considérée par les indépendantistes comme un bastion loyaliste à prendre impérativement. Son maire de l’époque, Roger Galliot était un fervent opposant au mouvement de libération du peuple Kanak. Ainsi, le 20 novembre 1980, le FLNKS, sous l’impulsion d’Eloi Machoro, entame un véritable siège de Thio. Il dure jusqu’au 12 décembre avec l’évacuation de la majorité de la population non indépendantiste sur la côte Ouest. En 1985 Thio devient alors un fief indépendantiste.
Route jusqu’à Petit Borindi
Depuis Thio, il faut environ 2 heures pour gagner le bout de la route à Petit Borindi. Mais prévoyez large, les points de vue sont nombreux. Il n’est en effet pas facile de résister à l’envie de s’arrêter régulièrement pour faire des images. Par ailleurs, la route est en très mauvais état et une partie en piste. Elle est certes accessible aux voitures citadines, mais si vous avez un 4X4 c’est bien mieux ! Certains passages ne sont pas aisés. Serpentant entre l’océan et terrain minier, la route traverse des paysages quasi lunaires. Tantôt s’enfonçant dans les terres le long des fleuves, tantôt grimpant sur des crêtes aux pentes abruptes, cette portion fait partie des plus belles routes que j’ai pu découvrir en Calédonie.
Chez Mamie Georgette
Camping incontournable de petit Borindi : chez Mamie Georgette. Au milieu de la cocoteraie, le site est en effet magique. Vous ne pouvez donc que vous laisser envoûter par le charme du lieu. Sous la voûte étoilée chantée par l’un des plus célèbres groupes calédoniens, je décèle la croix du Sud se dessinant entre les palmes bruissant sous la légère brise nocturne. Guide pour les marins au milieu de l’océan, c’est peut-être ici que chacun peut retrouver sa route.
Au petit matin le décor se dévoile enfin : une plage d’un sable sombre à perte de vue bordée d’une frange de cocotiers, des montagnes au rouge vif et, bien-entendu, l’océan se déroulant jusqu’à l’horizon. J’ai un peu le sentiment que c’est ici que nous atteignons les limites du monde. Ou ne serait-ce pas plutôt ici qu’il trouve son origine ? Ici où tous les éléments se trouvent rassemblés ?
Une balade le long de la plage permet d’atteindre l’estuaire de la rivière Ngoi aux eaux calmes et cristallines. Cela ne donne qu’une envie : prendre un canoë et partir à l’aventure. La marée est encore haute et il faut enjamber les racines des pandanus et éviter les branches des bois de fer. Les cris des monarques mélanésiens retentissent dans le sous-bois. L’ambiance est juste parfaite et donne l’illusion de partir pour une expédition.
Mais c’est à Mamie Georgette que ce site doit sa réputation. Elle tient en effet son camping avec la volonté d’illustrer le slogan de la Calédonie : terre de parole, terre de partage. Pensez donc à apporter quelque chose de chez vous : des fruits, du miel, des légumes et votre savoir-faire ! Si vous êtes amateurs de cuisine, n’hésitez pas à partager vos recettes, par exemple. Internationalement connue pour son gâteau au fruit de palétuvier, Mamie Georgette détient un savoir ancestral qu’elle prend plaisir à partager avec nous, simples visiteurs de passage. Elle a su ainsi faire de son gîte un véritable lieu d’échange, essence même de la culture kanak.
Pensez donc à réserver votre repas la veille ou le matin pour le soir. Ici on mange local. Au menu salade du jardin, bénitier, picot, poulet sans oublier l’igname et la patate douce.
La Baie de Port-Bouquet
Nous reprenons la route en faisant une halte à la tribu de St-Roch. Vous pourrez d’ailleurs trouver ici un camping si vous jugez la route pour le petit Borendi trop chaotique. C’est l’heure où les pêcheurs reviennent. L’ambiance est calme et paisible sur la plage où courent les chiens.
Abritée par les îlots de Némou et Tupeti, la baie de Port-Bouquet est réputée pour ses eaux calmes. C’est d’ailleurs ici qu’arrivent ceux qui longent la côte oubliée en kayaks. Elle constitue également une aire de gestion durable des ressources.
Les objectifs de gestion poursuivis dans une aire de gestion durable des ressources sont les suivants :
- Assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité biologique et des autres valeurs naturelles, culturelles ou paysagères des espaces considérés ;
- Promouvoir des modes de gestion durables, notamment traditionnels ;
- Protéger le capital de ressources naturelles contre toute forme d’aliénation engendrée par d’autres formes d’utilisations de l’espace susceptibles de porter préjudice à la diversité biologique de la région ;
- Contribuer au développement économique local et aux activités de découvertes durables et de tourisme adaptées.
Sur la route, prenez également le temps de vous arrêter au bord de la rivière To De. En la remontant à pieds, vous arrivez rapidement à une cuvette aux eaux si cristallines qu’ on ne peut résister à l’appel de la baignade malgré la fraîcheur !
Camping la Moara
Il ne faut plus beaucoup de temps pour rejoindre le camping de la Moara. Nous y sommes accueillis par le chant du notou tandis que le soleil décline. Le ciel finit par s’embraser. Demain, une nouvelle journée renaîtra tel le phénix.
Certes, ce camping est assez sommaire, mais le cadre vaut nettement le détour ! Ici, vous aurez peut-être la chance de voir le dugong habitué des lieux. Ce n’est malheureusement pas mon cas. Je ferai cependant un petit tour de snorkeling. Mais je suis vite découragée par l’eau trouble et l’absence de visibilité. J’ai rencontré trop de grands requins ces derniers temps pour nager sereinement sans voir ce qui se passe … Retour sur la plage. Je remets à une prochaine fois ma rencontre avec la vache marine. Prenez garde toutefois, il s’agit d’un animal sauvage qui a tendance a aimer le contact et jouer en vous emmenant au fond de l’eau avec lui. Mais même entraînés à l’apnée, vous ne pourrez pas lui tenir tête à ce jeu-là ! Profitez donc du site et de la baignade avant de reprendre la route !
L’une de mes plus belles virées calédoniennes
C’est à chaud que je rédige cet article. Rentrée à Koné hier soir, je sais déjà que cette découverte de cette partie isolée du Caillou fera partie des moments marquants de ma vie en Calédonie. Il existe encore des endroits sur terre où l’homme peut vivre en harmonie avec la nature. Même si le paysage garde encore les profondes cicatrices de l’exploitation minière, il a su préserver un caractère authentique et sauvage. Rencontrer ces hommes et ces femmes prêts à partager leur savoir et illustrant une vie simple au fil de l’eau et de la forêt nous donne, encore, une belle leçon d’humilité.