C’est parti pour le compte-rendu de notre voyage en Andalousie. Profitant des vacances scolaires en zone B tôt en saison, notre choix s’est porté sur la migration pré-nuptiale au détroit de Gibraltar. Samedi 2 avril, nous voilà donc parties d’Aix-en-Provence et sans regrets : le ciel est chargé de sombres nuages, la pluie n’est pas loin … Nous roulons jusqu’à destination et arrivons de nuit dans la Sierra Morena.
Au petit matin, nous avons droit à un véritable concert. Les migrateurs sont fraichement arrivés et tous aspirent à marquer leur territoire ! Quel contraste avec la période hivernale !
Les chants des fauvettes, des Alouettes lulus, des huppes et des troglodytes ne sont rompus que par les cris des Coucous geais. Nous détectons au moins trois couples sur le secteur et sommes étonnées de ne voir que peu de Pies bavardes. En revanche, les Pies bleues sont très nombreuses : près d’une centaine décolle des massifs boisés avant de se disperser à la recherche de nourriture. Comme tous les coucous, le Coucou geai parasite d’autres oiseaux : il pond ses œufs dans le nid d’un oiseau hôte et les abandonne. En France, la Pie bavarde semble être le seul hôte du Coucou geai. Mais en Espagne, les corvidés de façon générale peuvent être parasités : la Pie bleue, mais également le Grand Corbeau ou la Corneille noire (Géroudet, Les Passereaux, I).
Dans les paysages de Dehesa, les cistes sont en fleur. Ces hauts bosquets aux larges fleurs blanches où se dissimulent les Fauvettes pitchous appartiennent à l’espèce Ciste labdanum Cistus ladaniferus. Cette plante présente sur le pourtour méditerranéen a été utilisé dès la haute Antiquité en parfumerie. Sa gomme appelée Labdanum ou Ladanum, tirant son origine de son nom persan “lad”, était alors récoltée en peignant le pelage des chèvres qui parcourraient les champs de fleurs. La gomme est désormais récupérée en faisant bouillir les rameaux notamment dans la région de Salamanque, en Espagne.
Alors que le soleil chauffe l’atmosphère, les rapaces dessinent de larges cercles haut dans le ciel. Au milieu des Vautours fauves et moines, se distingue la silhouette d’un Aigle ibérique adulte. Il tourne et laisse apercevoir ses deux taches blanches sur les bords d’attaque, caractéristiques de l’espèce. Deux Bouquetins, ibériques également, se prélassent sur les dalles rocheuses surplombant le lac. Le lynx se fait discret, et nous avons beau parcourir des yeux le panorama, il reste invisible. Mais nous ne nous ennuyons pas : ici un cerf, là des daims ou des mouflons … tandis qu’une Pie-grièche méridionale chante au sommet d’un buisson.
Nous sommes attentives au moindre signal d’alerte des oiseaux pouvant trahir la présence du prédateur. Mais l’ambiance reste bien calme et les perdrix ne témoignent pas la moindre inquiétude.
Le ciel s’assombrit et les nuages arrivent petit à petit. Les cervidés s’activent de plus belle et se laissent facilement observer.
L’ambiance change. Petit à petit le chant des Petits ducs et des chevêches remplace celui des fauvettes et des Monticoles bleus. Enfin, sous un arbre, se dessine la silhouette du félin. Il se met en marche avec une souplesse innée se fondant dans le paysage et bientôt l’obscurité. Observation furtive, comme souvent, mais toujours aussi intense.
Le lendemain matin, la météo a empiré. Un Aigle ibérique longe les crêtes sans parvenir à prendre de l’altitude. La pluie fine de l’aube se fait à présent violente. Il est temps pour nous aussi de reprendre notre route. Nous quittons la sierra, pour des horizons que nous espérons plus cléments. Mais la pluie nous accompagnera jusqu’à Tarifa où nous arrivons en début de soirée.