Samedi 05 mars 2016

Enfin nous sommes au mois de mars ! Les belles journées font leur apparition, les oiseaux des jardins se mettent à chanter et les premiers migrateurs commencent à pointer leurs plumes. On sent chez l’ornitho un regain de motivation pour partir à la recherche des « premières » de l’année. Malgré un vent annoncé à 50 km/h, nous décidons de partir prospecter l’étang de l’Estomac à Fos-sur-Mer. Nous avons réellement découvert ce site cet hiver et sentons qu’il y a un bon potentiel pour trouver quelques oiseaux sympas en période de migration. Ces anciens salins abandonnés depuis une 20 aine d’années sont situés sur le front de mer, parfait pour offrir gîte et couverts  à des oiseaux venant de traverser la méditerranée.

Ce matin, les conditions météos ventées ont probablement rebuté bon nombre de joggeurs ou de promeneurs à mettre le nez dehors, aussi le site est-il bien calme. En arrivant sur la digue centrale qui sépare l’étang de l’Estomac en deux, notre premier réflexe est de chercher le Grèbe jougris qui stationne ici depuis le mois de janvier. Pas besoin de chercher longtemps, même si les Grèbes à cou noir et les Grèbes huppés sont encore bien présents sur l’étang, nous le repérons dans les vagues en pleine partie de pêche. Il passe peu de temps en surface et reste à distance de la digue. Bon, cela ne sert à rien de faire des photos dans ces conditions. Nous le suivons quelques minutes, le temps de constater que son plumage n’a que peu évolué, il garde encore en ce début mars une livrée hivernale.

Grèbe huppé, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Grèbe huppé, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Grèbe huppé, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Grèbe huppé, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Le vent froid ne nous incite pas à rester longtemps à découvert. Nous apercevons devant nous, côté sud cette fois de l’étang, une femelle de Harle huppé. Pas le temps d’arriver sur elle qu’un vélo nous dépasse, la femelle qui était juste au bord de la digue s’éloigne rapidement. Nous arrivons trop tard. Elle fait un brin de toilette puis s‘endort.

Harle huppé, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Harle huppé, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Nous en profitons pour scanner les deux étangs afin d’effectuer un comptage complet. En tout 19 Harles huppés, dont un groupe de 7 oiseaux. Les autres sont par couple et par 3. Selon les jours, le nombre de Harles huppés varie de trois à 19 oiseaux. Il doit certainement exister des mouvements avec l’anse de Carteau à Port St Louis du Rhône où l’espèce est un hivernant classique. Nous arrivons côté est de l’étang. Abrité par les collines du vent, on apprécie le soleil. Profitant de ces instants printaniers, les Cisticoles sont en voix ainsi que les Fauvettes mélanocéphales. Les mâles bourrés d’hormones poursuivent avec assiduité les femelles qui traversent leur territoire. Une Fauvette pitchou se fait entendre dans la garrigue voisine. Elle a donc délaissé les milieux de sansouires qui l’accueillent en hiver pour recoloniser les buissons de Chênes kermès, havre de paix pour les futures nichées. Remontant méthodiquement la rive de l’étang, un goéland à la silhouette élancée  « chasse » les petits poissons et autres invertébrés aquatiques que le mouvement des vagues fait remonter vers la surface. C’est un Goéland railleur. Celui-ci a choisi de passer l’hiver en France alors que l’essentiel des oiseaux de nos populations préfèrent le soleil de la Sardaigne ou de la Tunisie.

Goéland railleur, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Goéland railleur, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

En arrivant sur la digue sud, le vent se fait à nouveau sentir, il s’est renforcé légèrement depuis ce matin. En bordure d’un petit ilot envahi de salicornes, un Chevalier guignette pousse un cri inhabituel. C’est un cri d’alarme. La présence d’un autre chevalier à moins de 30 m l’a fait réagir. Le vent contraint les oiseaux à se réfugier à l’abri de la végétation comme ce bel adulte de Goéland railleur à la poitrine saumonée.

Goéland railleur, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Goéland railleur, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

D’autres Laridés ont fait de même comme cette centaine de Mouettes mélanocéphales rassemblées dans les salins. Le passage d’un promeneur dans une zone interdite rompt leur tranquillité et tout le groupe décolle …  Les adultes ont presque complètement revêtu leur plumage nuptial. Si le plumage du corps reste d’un blanc immaculé tout au long de l’année, la tête, elle se dote d’un capuchon noir contrastant avec un fort bec rouge en période de reproduction. Les têtes de nos adultes sont quasiment noires, seules des plumes blanches persistent autour du bec. Dans quelques jours, elles seront usées et la calotte noire sera complète.

Mouette mélanocéphale, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Mouette mélanocéphale, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Nous trouvons un endroit abrité du vent pour pique-niquer. Durant le repas, un vol d’une trentaine de Canards souchets  fait plusieurs passages au dessus de l’étang mais ne s’arrête pas. Il repart vers la mer, peut-être à la recherche d’un endroit plus tranquille. Des Courlis cendrés se signalent par leurs cris, ils sont 5 en vol, arrivant de la mer. Ils remontent face au vent et eux non plus ils ne s’arrêteront pas  sur les salins. L’appel du nord est trop fort, les premiers arrivés sur les territoires de reproduction bénéficieront des meilleures places. Bien plus haut dans le ciel, c’est une Cigogne blanche qui dessine de larges cercles.

Canards souchets, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Canards souchets, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

La portion de l’étang devant nous, délimitée par une roselière, est le territoire d’un mâle de Nette rousse. Son plumage est particulièrement joli. D’abord assez loin, il s’approche petit à petit de nous et s’ébroue énergiquement devant nos yeux découvrant ses rémiges primaires abîmées. Il ne doit pas être facile de voler avec des plumes dans un tel état.

Nette rousse, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Nette rousse, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer
Nette rousse, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Nette rousse, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Le long du petit canal côté ouest de l’étang, au pied des villas, un promeneur nous interpelle pour nous montrer des Anguilles mortes au fond de l’eau. Sur une cinquantaine de mètres, gisent une dizaine de ces voyageurs au long cours. Il n’y a que des adultes de belles tailles. Pour certaines, elles atteignent les 80 cm indiquant des poissons âgés de 15 à 20 ans. Autour, les autres espèces de poissons nagent et semblent en parfaite santé. Y a-t-il une pollution qui ne touche que les anguilles ? Ces individus, qui ont effectué l’avalaison (descente de la rivière), n’ont-ils pas réussi l’argenture, le processus physiologique permettant la métamorphose des anguilles en les rendant apte à vivre en milieu marin ? Le cycle de vie des Anguilles est une parfaite illustration des merveilles que recèle la Nature. Vivant en eaux douces où elle grandit lentement, l’anguille est une espèce catadrome capable d’effectuer une fois dans sa vie une migration vers les eaux marines afin de se reproduire. Une fois la mer rejointe, elle va parcourir durant 6 mois plus de 5 000 kilomètres sans se nourrir et rejoindre les sites de frai dans la mer des Sargasses. Là, une fois l’acte accompli, elle mourra… Les larves à naitre reviendront vers l’Europe transportées par le courant du Gulf Stream. Ce flux d’eau chaude de sens ouest-est disperse les larves depuis les côtes mauritaniennes jusqu’au nord de la Norvège. Celles qui parviennent en Méditerranée sont transportées par une branche secondaire, le courant des Açores. Si elles parviennent à échapper aux filets des pêcheurs et autres braconniers à l’entrée des rivières d’Europe, les Civelles se transformeront en Anguillettes, des poissons adaptées au milieu d’eau douce. Commence alors une longue vie de plusieurs années dans nos cours d’eau pour cette espèce discrète.

Anguille morte, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Anguille morte, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

Nous terminons notre boucle en traversant des pelouses parsemées de nombreuses Orchis de Robert en fin de floraison. Cette espèce est la plus précoce des orchidées et lors des hivers doux, des fleurs apparaissent dès le mois de janvier.

De belles Asphodèles d’Ayard s’épanouissent aussi dans ces pelouses. Cette plante appartient au cortège d’espèces steppiques se développant dans la plaine de la Crau et dont l’étang de l’Estomac constitue la limite sud. Elle est inscrite sur la liste rouge des espèces de France du fait de sa répartition certaine limitée à deux départements, le Vaucluse et les Bouches du Rhône. Dans les milieux de coussouls de Crau, l’espèce, qui n’est pas consommée par les troupeaux de moutons, se rencontre en grand nombre. Ses graines sont un met de prédilection pour les Gangas catas, qui n’hésitent pas à secouer énergiquement les tiges pour les faire choir.

Dernière espèce d’orchidées du jour et là encore une première pour l’année, une Ophrys de la Passion. Quelques plants se sont développés à l’abri du mistral derrière un Pistachier lentisque. C’est toujours un plaisir que d’observer ces délicates plantes dont le processus reproductif est toute une histoire botanique …

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Asphodèle d'Ayard, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Asphodèle d’Ayard, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

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Ophrys passionis, Étang de l'Estomac, Fos-sur-mer
Ophrys passionis, Étang de l’Estomac, Fos-sur-mer

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Retour sur la digue centrale, le vent est toujours fort. Nous cherchons le Grèbe jougris et les Harles huppés. Le jougris a rejoint un groupe de Grèbes huppés et les Harles sont au milieu de l’étang. A l’approche d’un kayak, ces derniers décollent et passent dans l’étang sud, mais trop loin de nous pour faire une jolie photo. Il faudra revenir pour avoir notre portrait de Harle.

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[wc_fa icon=”book” margin_left=”” margin_right=””][/wc_fa] Sources sur les Anguilles

http://wwz.ifremer.fr/peche/content/download/29773/411060/file/fiche

http://www.kmae-journal.org/articles/kmae/abs/1994/04/kmae199433512/kmae199433512.html

http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/publications/article/2011/07-11-11-fra.html

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1 Commentaire

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    Stephan Peten
    Posted 07 mars 2016

    Tout cela sent en effet bon le printemps !
    Ici, c’est encore régime d’hiver …
    J’ai toujours été impressionné par la richesse que peuvent abriter certaines petites zones préservées sur une côte tant urbanisée.
    Les Harles huppés donnent un petit air de Zélande dans ce décor méditerranéen.

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