Latrabjarg : Du 14 au 16 juillet 2016

Il est plus de 22 heures en ce jeudi 14 juillet quand nous atteignons la terre la plus à l’ouest de l’Islande. La piste, sans issue, s’arrête sur un parking au pied du phare de Bjargtangar. Malgré l’heure tardive, de nombreuses voitures stationnent encore. Il faut dire qu’il fait encore bien jour, le soleil est encore haut sur l’horizon et le phare n’est pas près de s’allumer ! Le Cap de Latrabjarg attire d’années en années de plus en plus de touristes. Ils y viennent pour admirer la vue sur l’océan glacial arctique que l’on domine depuis d’impressionnantes falaises mais aussi peut être pour le livre ouvert qu’elles représentent ?

Route pour Latrabjarg
Route pour Latrabjarg

A ceux qui ont quelques notions de géologie, ces falaises ont beaucoup à raconter sur l’histoire de l’ile et les forces colossales qui ont été en jeu. A y regarder de plus près, (pas trop car l’on risque de chuter !), ces falaises sont constituées de la superposition de couches de roches horizontales, on y trouve des strates noires d’épaisseur décamètrique entre lesquelles s’intercalent des strates rougeâtres plus étroites. Ces roches à l’image du reste des fjords du nord-ouest sont les plus anciennes d’Islande, leur datation indiquant environ 14 millions d’années.  Elles sont le résultat d’activités volcaniques de grandes ampleurs qui se sont succédées, donnant naissance à d’importantes coulées de lave. Leur empilement est à l’origine de la falaise de Latrabjarg qui atteint par endroit plus de 400 m en à-pic. Les strates noires, de nature basaltique, forment l’essentiel des roches de cette falaise qui s’étire sur environ 14 km !

Falaises de Latrabjarg
Falaises de Latrabjarg

Autre atout, et loin d’être négligeable pour nous, c’est la présence d’une colonie d’oiseaux marins parmi les  grandes d’Europe. D’ailleurs ceux-ci ont aussi exploitées les caractéristiques géologiques de la falaise puisqu’ils se sont installés entre les couches de basaltes, dans les strates rougeâtres plus friables qui, en subissant l’érosion, donnent des vires. Il est amusant de voir le résultat, la falaise ressemble à un immeuble à huit étages. Les fientes blanches des oiseaux délimitant les zones colonisées, occupées depuis des générations.

Falaises de Latrabjarg
Falaises de Latrabjarg

Dès que nous posons pied sur ce cap du bout du monde, nous filons, en compagnie de l’ami que nous venons de retrouver, sur le bord de la falaise pour nous imprégner de l’ambiance. L’odeur de la mer, du guano des oiseaux, le bruit des vagues, les cris des Guillemots, des Pingouins tordas, des Mouettes tridactyles … que c’est agréable après une journée entière de route ! Cela valait la peine de venir jusque là. Sur l’horizon, plus un seul nuage, juste le soleil qui descend lentement, nappant d’une teinte orange les paysages et les oiseaux.

Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg
Pingouin torda, Latrabjarg

Les Macareux arrivent un à un au sommet de la falaise après une journée en mer. Ils retournent aux terriers qu’ils ont creusés dans la maigre couche de terre sommitale. Très peu d’apport de proies, les jeunes n’ont pas du naître. Les femelles doivent encore en être au stade de la couvaison. Nous pique-niquons en compagnie de ces rigolos clowns des mers, il faut dire qu’ils ne sont pas très farouches. Seuls deux belliqueux viennent rompre la tranquillité qui règne ici.

Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg

Pas le temps de finir notre repas du soir, que l’objet principal de notre venue ici pointe son museau. Gambadant librement, par petit bonds légers, un adulte de Renard polaire passe dans notre dos et prend immédiatement la direction du bord de la falaise, faisant fi de la présence de promeneurs du soir. Il prospecte avec rapidité toute la ligne de crête, descend par instant dans la falaise avant de remonter et de continuer sa route.

Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg, Islande 2016
Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg, Islande 2016

Avec le contre-jour, son pelage noir se retrouve tout auréolé de doré. Il disparait derrière une butte et nous tentons de le suivre.

Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg
Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg

Nous le retrouvons affairé à creuser la couche superficielle de terre. Il extirpe un gros œuf du terrier d’un Macareux qu’il maintient entre ses dents. A travers la couche de terre, a-t’il pu détecter la présence de l’œuf ? Ou est-ce l’adulte qu’il a senti ou entendu sans parvenir à le capturer ? Dans tous les cas, il ressort avec un œuf doté d’un embryon proche de l’éclosion qu’il dévore sur place. Nous sommes à moins de 20 m de lui et notre présence n’est toujours pas un problème !

Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg
Renard polaire en chasse sur les falaises de Latrabjarg

Son repas fini, il fait un brin de toilette en frottant le museau et la tête contre le sol enherbé. Il retourne jeter un œil dans le terrier pour voir s’il n’y a rien d’autre à manger, se lèche les babines, se gratte le cou et reprend son chemin vers le soleil couchant.

Ouahhhh quelle obs ! Nous espérions avant notre arrivée sur le sol islandais avoir la chance de croiser le Renard polaire mais cette observation va bien au-delà de nos espérances. Nous en voulons encore et patientons jusqu’à 2 heures du matin, profitant jusqu’aux derniers moments des lueurs de l’été nordique. Quel spectacle de voir s’embraser l’alignement des fjords  avec des teintes orangées ! Quant au renard, il refera une apparition mais bien lointaine.

Falaises des fjords du Nord-ouest, Islande
Falaises des fjords du Nord-ouest, Islande

Le soleil se lève tôt, vers 3h30, et nous aussi. Les derniers touristes ont déserté le site, nous sommes seuls avec une belle lumière. Il fait frais alors que nous scrutons les environs, confiant dans notre chance de revoir le Renard. Nous occupons notre temps, un œil dans l’appareil photo pour shooter les Fulmars boréaux passant en vol devant la falaise puis sur les Macareux, l’autre aux aguets dans l’espoir de repérer la silhouette furtive du petit canidé.

Fulmar boréal, Latrabjarg
Fulmar boréal, Latrabjarg
Mouette tridactyle, Latrabjarg
Mouette tridactyle, Latrabjarg

Des nuages font leur apparition, le vent du large se lève, des gouttes de pluie commencent à tomber alors que nous prenons notre petit déjeuner vers 6h du matin. Comme le dit un proverbe islandais « Si le temps ne vous convient pas … patientez 5 minutes ». En effet, la pluie n’est que passagère et le ciel se découvre à nouveau. Tandis que les touristes réapparaissent, nos chances de voir le renard s’estompent. La journée va être longue … Nous la débutons par une balade le long de la falaise, prenant le temps d’observer toute cette vie : Guillemots, Pingouins tordas, Macareux, Fulmars …  l’ambiance sonore est garantie !

Guillemot de Brünnich, Latrabjarg
Guillemot de Brünnich, Latrabjarg
Guillemot de Brünnich, Latrabjarg
Guillemot de Brünnich, Latrabjarg
Guillemot de Brünnich, Latrabjarg
Guillemot de Brünnich, Latrabjarg

Nous passons un peu de temps à observer un couple de Fulmars, posé sur une petite vire herbeuse. Leurs cris sont assez gutturaux et viennent se mélanger à la rumeur que font naitre les dizaines de milliers d’oiseaux marins en contrebas.

Fulmar boréal, Latrabjarg
Fulmar boréal, Latrabjarg
Fulmar boréal, Latrabjarg
Fulmar boréal, Latrabjarg

Malgré tout ce raffut, le sommeil vient nous prendre et c’est avec plaisir que l’on s’endort dans les herbes. Retour  au parking pour pique niquer, deuxième sieste de la journée et rando dans les environs, histoire de se dégourdir les jambes. Depuis le sommet des falaises, la vue sur la péninsule au sud de Latrabjarg laisse apparaître  le volcan Snaefellsness au sommet recouvert de neige. Une prochaine étape de notre voyage …

Le volcan Snaefellsnes vu depuis Latrabjarg
Le volcan Snaefellsnes vu depuis Latrabjarg

Des Grands Corbeaux, de discrets Bruants des neiges, voilà pour les principales espèces rencontrées lors de cette virée mais pas la moindre trace d’un Pygargue à queue blanche. Comment est-ce possible ? Une si belle falaise est un garde-manger inépuisable pour un tel prédateur ! Si la Norvège, aux paysages similaires, accueille la principale population de Pygargue d’Europe (avec plus de 2 000 couples), l’Islande est, de ce point de vue et de manière surprenante assez décevante. Seuls, 70 couples sont actuellement répertoriés sur l’ensemble de l’ile. Notre voyage en Islande nous a permis de voir que l’on avait une fausse image de ce pays. Ses paysages sauvages, sa nature intacte véritable havre de paix pour la faune sauvage, un peuple tourné vers le nature, tout ceci n’est qu’en fait, pour partie, qu’une vue de notre esprit. La chasse à la baleine d’un côté, la destruction des renards polaires (plus de 5000 par an) en raison de sa prédation sur les agneaux … et la destruction par le passé des Pygargues car prédateurs naturels des Eiders à duvet. Et oui en Islande les Eiders sont choyés dans des fermes où la mise en place de clôtures leur offre la sécurité pour mener à bien la reproduction. Il ne faut pas y voir une volonté de préserver l’espèce mais seulement une industrie locale afin de récupérer le précieux duvet … tous ces éléments sont venus ternir notre image d’une Islande respectueuse de son environnement.  Décidemment il est difficile de trouver un endroit sur Terre où la cohabitation entre nature et culture humaine puisse se faire en parfaite harmonie. Le sentiment est plutôt celui de l’Homme qui s’installe sur une terre vierge,  s’approprie ses ressources et n’accepte pas la moindre contrainte. Tout ce qui entrave son développement économique doit être éliminé, que ce soit un pygargue ou des renards polaires présents sur ces terres depuis à minima plusieurs millénaires. « Dernier arrivé mais premier servi » pourrait être une illustration d’un précepte fondateur de la colonisation humaine !

Orchis grenouille, Latrabjarg
Orchis grenouille, Latrabjarg

Notre dernière soirée sur Latrabjarg nous offrira encore une fois la possibilité de réaliser des observations du même renard polaire que la veille. Une fois se baladant dans des éboulis rocheux, une autre fois bien loin en contrebas, se dirigeant vers une plage au pied des falaises.

Jeune Renard polaire, Latrabjarg
Jeune Renard polaire, Latrabjarg

Nous aurons beau patienter jusqu’à deux heures du matin, il ne viendra pas ce soir se nourrir sur le sommet de la colonie. Nous profitons une nouvelle fois d’un superbe coucher de soleil et d’un lever de la lune derrière un macareux … sisi le macareux garou existe !

Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine, Latrabjarg
Macareux moine hurlant au clair de lune, Latrabjarg
Macareux moine hurlant au clair de lune, Latrabjarg

Nous finissons notre soirée sur l’aire de camping (accès gratuit) où nous montons notre tente. Le site se trouve à proximité d’un village, aujourd’hui abandonné. Il ne reste plus grand-chose des constructions réalisées par une communauté de pêcheurs islandais qui, au siècle dernier, établissait ses quartiers entre les mois d’avril et d’octobre sur cette côté afin de profiter des riches ressources en poissons.

Route pour Latrabjarg
Route pour Latrabjarg

1 Commentaire

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    Thomas
    Posted 28 septembre 2016

    Tout simplement magnifique 😉

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