Au retour de la sortie d’observation des pygargues, nous prenons le temps de balader sur le port pour observer les nombreux oiseaux marins réfugiés ici. Désormais, la neige tombe abondamment et les bourrasques balaient les quais déserts. Mais le froid est tenace et il faut être motivée pour faire des photos. Heureusement, plusieurs espèces de canards nordiques sont présentes comme les fuligules milouinans, harelde boréale, garrots à œil d’or et arlequins plongeurs … Un cormoran pélagique fait une brève apparition mais reste trop éloigné pour être photographié.
Arlequin plongeur – Histrionicus histrionicus – Harlequin Duck
L’arlequin plongeur est un canard magnifique aux multiples couleurs chez le mâle, ce qui lui a d’ailleurs valu son nom. La femelle est en revanche plus terne. On la reconnaît en particulier aux trois taches blanches sur sa tête. L’arlequin niche à l’intérieur des terres le long des torrents des contrées nordiques de l’ensemble de l’hémisphère nord comme par exemple en Islande, au Québec ou encore en Sibérie. Durant cette période, il reste assez solitaire. En revanche, pendant l’hiver, il forme des groupes sur le littoral.
Harelde boréale – Clangula hyemalis – Long-tailed Duck
L’harelde boréale, appelée également canard kakawi, est blanchâtre. Les mâles possèdent une longue queue noire. Ils rejoignent assez tôt leur site de reproduction. Ils arrivent parfois même avant la fonte des glace. Mais la harelde peut se nourrir comme les phoques en plongeant sous la glace. L’harelde niche dans la toundra mais ne rejoint les zones côtières qu’en hiver. Originaire de Terre-Neuve, présente en Scandinavie, en Écosse, le long des côtes de l’Atlantique, des côtes du Pacifique, des grands lacs du Canada et enfin des îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Enfin, elle migre dès juillet pour aller jusqu’en Afrique du nord en longeant les côtes.
Les mouettes et goélands (laridés)
Plusieurs espèces de laridés fréquentent Rausu, à l’image de nombreux ports de l’hémisphère nord, à la recherche des restes de poissons. De même que les pygargues, ils suivent les bateaux de pêche qui rentrent au bercail. Tout d’abord, l’espèce la plus représentée est le Goéland à manteau ardoisé (Larus schistisagus – Slaty-backed Gull). Il vit le long de la côte Est de la Sibérie, la mer d’Okhotsk et la péninsule de Seward ; il hiverne en mer Jaune et le long des côtes coréennes et japonaises.
Par chance, je reprendrai d’autres espèces le lendemain matin au soleil cette fois-ci. Mais les oiseaux se font moins nombreux dans le port alors que les conditions sont plus clémentes.
Un autre goéland assez commun sur le port de Rausu, le goéland à ailes grises (Larus glaucescens – Glaucous-winged Gull). Cette espèce du nord de l’Océan pacifique se reproduit dans l’extrême nord-est de l’Eurasie et le nord-ouest de l’Amérique du Nord. En ce qui concerne l’hivernage, le goéland à ailes blanches est présent vers le sud jusqu’au nord du Japon et au nord-ouest du Mexique. Il se trouve en général loin des eaux salées ou saumâtres, et fréquente les côtes maritimes, y compris les villes côtières.
Enfin il est possible d’observer le goéland bourgmestre (Larus hyperboreus – Glaucous Gull). Ce goéland de grande taille est assez clair. Il ressemble cependant assez au goéland à ailes grises avec lequel il s’hybride. Les adultes se reconnaissent assez facilement car ils ne présentent pas de tache noire sur les rémiges. En ce qui concerne les jeunes, le goéland bourgmestre se distingue du jeune à ailes grises par son bec bicolore : rose chair à la base, noir à la pointe.
Le goéland bourgmestre niche en Arctique. Migrateur, on le trouve en hiver dans le nord de l’océan Pacifique ainsi que dans le nord de l’océan Atlantique, jusqu’en Grande-Bretagne et aux États les plus septentrionaux des États-Unis.
Enfin, dans tout ce petit monde, je n’observerai qu’une seule mouette rieuse.
Rausu port de pêche
La pêche est l’activité principale de ce petit port à l’extrême nord du Japon, et malgré les conditions rudes, les hommes sont au travail et rient à notre passage. Difficile en effet de cacher que nous sommes des touristes, vite trahies par notre façon peu adroite de marcher dans la neige. Le vent est violent et le blizzard voile le paysage.
Les morceaux de poissons abandonnés par les hommes n’attirent pas seulement les goélands et les pygargues. Corbeaux et corneilles sont également nombreux à rechercher des bouts à grignoter.
Un peu de chaleur humaine
Tandis que le vent s’intensifie, nous nous réfugions dans un petit café, attirées tels des papillons de nuit par les lueurs des lanternes oscillant dans le blizzard. Mais à peine la porte refermée derrière nous, nous sommes soudainement soulagées par la disparition du vent. Enfin, nous sommes sauvées ! Ils ne sont que deux vieux pêcheurs accoudés au comptoir, prenant le café avec une grand-mère. C’est-elle d’ailleurs qui semble gérer les lieux. Ils sourient à notre entrée théâtrale, quelque peu surpris de voir surgir une blondinette et une rouquine par un temps pareil. Nous devons tellement sembler frigorifiées que l’aubergiste vient immédiatement allumer le poêle près de nous.
Nous commandons alors un café et un chocolat chaud, servis dans des petites tasses en porcelaine teintées de blanc et de bleu. Quelques petits biscuits secs sont aussi délicatement disposés dans une petite soucoupe. Mais nous craquons, le froid est toujours une bonne excuse, et nous demandons pour compléter ce second petit déjeuner de la matinée des pancakes. Ils sont bien entendu faits maison et c’est aussi avec une grand minutie que notre hôte accomplit sa tâche. L’odeur emplit le petit espace aiguisant alors notre appétit.
Nous voilà, dégustant notre repas sous le regard intrigué mais bienveillant des Japonais. La discussion finit par naître et leur regard s’illumine aux premières sonorités en japonais prononcées par Audrey. L’aubergiste la complimente d’ailleurs pour sa tenue élégante malgré les circonstances. Il faut rester élégante, et ce en toute circonstance, nous confie-t-elle. Âgée de 84 ans, elle continue d’ailleurs à prendre soin d’elle et à s’apprêter au quotidien. Bien maquillée et coiffée, elle attire notre attention sur l’importance du détail. C’est finalement dans le détail que réside l’essentiel. Ce que nous pouvons parfois considérer comme le superficiel, s’avère au contraire révélateur d’une profondeur, d’une quête de l’harmonie et du respect, de soi-même et des autres. Voilà certainement une remarquable leçon de vie. Probablement l’un des plus beaux souvenirs du voyage.
Liste des espèces observées à Rausu
Cygne chanteur | Whooper Swan | Cygnus cygnus |
Fuligule milouinan | Greater Scaup | Aythya marila |
Arlequin plongeur | Harlequin Duck | Histrionicus histrionicus |
Harelde boréale | Long-tailed Duck | Clangula hyemalis |
Garrot à œil d’or | Common Goldeneye | Bucephala clangula |
Harle bièvre | Common Merganser | Mergus merganser |
Harle huppé | Red-breasted Merganser | Mergus serrator |
Cormoran pélagique | Pelagic Cormorant | Phalacrocorax pelagicus |
Pygargue à queue blanche | White-tailed Eagle | Haliaeetus albicilla |
Pygargue de Steller | Steller’s Sea-Eagle | Haliaeetus pelagicus |
Mouette rieuse | Black-headed Gull | Chroicocephalus ridibundus |
Goéland à manteau ardoisé | Slaty-backed Gull | Larus schistisagus |
Goéland à ailes grises | Glaucous-winged Gull | Larus glaucescens |
Goéland bourgmestre | Glaucous Gull | Larus hyperboreus |
Grand-duc de Blakiston | Blakiston’s Fish-Owl | Ketupa blakistoni |
Corneille noire | Carrion Crow | Corvus corone |
Corbeau à gros bec | Large-billed Crow | Corvus macrorhynchos |
Cincle de Pallas | Brown Dipper | Cinclus pallasii |
1 Commentaire
Phil
Des photos inédites, un regard particulier et attentionné aux détails des lieux des espèces et des gens !
Définitivement un article excellent sur une région peu commune !
Un must pour tout les voyageurs aimant les extremes et les voyages dans les régions reculées de notre belle planète
Merci So
Love