Mardi 19 juillet 2016
Dernier jour de terrain sur les terres islandaises. Inexorablement notre parcours nous a ramené vers les environs de Reykjavik. Les conditions météos ne sont pas des meilleures, le ciel est gris et va se charger de plus en plus au fur et à mesure des heures, donnant une fine pluie par moment. Peu d’originalité concernant le programme de la journée. Comme 99,9% des touristes visitant le pays, nous allons découvrir l’incontournable «Cercle d’or » et ses trois principales attractions. Toutes sont facilement accessibles depuis la capitale. Quant aux autres sites du cercle d’or, ils s’étirent sur une boucle d’environ 300 km. Ce sera probablement pour une autre fois… Nous débutons par Thingvellir. L’approche se fait en longeant le plus grand lac islandais, le Thingvallavatn tandis que sur l’horizon, surplombant les montagnes, se dessine une large calotte glaciaire au blanc éclatant.
Le site de Thingvellir est connu pour avoir hébergé le premier parlement au monde. C’est un lieu chargé d’histoires et beaucoup de grandes décisions qui ont fait l’Islande d’aujourd’hui ont été prises ici. Nous ce n’est pas l’Histoire qui nous emmène ici mais plutôt le paysage original et sa signification géologique. On connait tous le grand rift africain, cette zone d’amincissement de la croute terrestre à l’origine d’une future séparation d’une partie de l’Afrique, le long de failles s’étirant sur plusieurs milliers de kilomètres dans la partie orientale du continent. Vu du ciel, les structures géologiques montrent un bassin d’effondrement et des falaises, résultat du jeu des failles normales. Mais nous sommes là qu’au tout début du processus de séparation de plaques. A Thingvellir le stade de la rupture a déjà été atteint depuis longtemps et la limite entre les plaques tectoniques nord-américaine et eurasienne en pleine activité de séparation. La genèse des plaques se fait ici …
Le premier parking que nous croisons est payant, nous tentons de trouver une place mais il est plein. Il suffit de faire quelques kilomètres supplémentaires pour trouver d’autres parkings d’accès libre où nous parvenons à trouver un emplacement. Sac à dos sur les épaules, c’est parti pour une petite balade à la découverte du site. Des italiens, des espagnols, des français, des chinois… il doit y avoir à peu près toutes les nationalités représentées ici. L’accès qui mène au site traverse une petite forêt refuge des Grives mauvis.
Les adultes sont en plein nourrissage. Frénétiquement ils recherchent de la nourriture dans les prairies environnantes et viennent ravitailler les jeunes dans le petit bois. Le flux incessants de touristes ne semble pas perturber les adultes le moins du monde. Quant aux jeunes n’en parlons pas ! Il faut dire que les grives passent inaperçues pour la très grande majorité des gens alors qu’elles sont quasiment à nos pieds ! Toutefois, dès que l’on sort l’appareil photo pour tirer le portrait d’un oisillon gambadant à moins d’un mètre du chemin, il y a de suite un attroupement de chinois autour de nous qui, a grand renfort de téléphones portables, mitraille le jeune oiseau…
Bref, il y a du monde et cette fréquentation a nécessité de la part des autorités la mise en place d’un sentier en caillebottis afin de concentrer les lieux de passage et diminuer l’impact sur l’environnement du site. Une série de lacets et le sentier nous emmène au cœur du graben, ce fossé d’effondrement au centre de la faille est profond par endroit de 70m. C’est précisément ici que les deux plaques s’éloignent l’une de l’autre à une vitesse d’environ 3mm/an.
Les occasions sont rares de se retrouver à la frontière entre deux plaques et de voir ce qui est habituellement invisible. Les zones de limites de plaques s’étirent sur des milliers de kilomètres à la surface de la Terre mais l’essentiel se trouve sous plusieurs milliers de mètres d’eau, au sommet des rides médio-océaniques que l’on rencontre au fond des océans. Ici on profite du spectacle à l’air libre. Le sentier se termine près d’une cascade aux eaux limpides et tumultueuses. Trop de monde, on fait demi-tour.
Deuxième étape de la journée à Geysir. Site ô combien connu pour héberger l’une des formes d’activité volcanique les plus originales que nous puissions trouver sur notre planète. Toutes les 5 à 7 minutes, un panache de vapeur et d’eau s’élève dans le ciel islandais. Visible à des kilomètres à la ronde avec sa hauteur de 20 m, le geyser, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est l’une des manifestations de l’omniprésent volcanisme de l’île. Le phénomène est spectaculaire. Affleurant en surface dans une vasque, une grande colonne d’eau plonge dans les profondeurs du sol. Au contact d’une roche encaissante de plus en plus chaude, la température de l’eau s’élève et avoisine en tout point avec celle de l’ébullition. Comme la pression augmente avec la profondeur, la température d’ébullition augmente aussi. En 1827, des mesures effectuées sur le « Grand Geysir » donnaient en surface une température de l’eau à 100°C tandis qu’à 22m de profondeur, la température était de 127°C. Lorsque la température de vaporisation de l’eau est atteinte, une bulle se forme et remonte vers la surface avec une amplification du phénomène liée à une chute de la pression dans la colonne d’eau. L’eau se retrouve ainsi violemment projetée hors de la cheminée.
Ce « Grand Geysir » n’est aujourd’hui plus actif et montre que les geysers ne sont pas éternels. L’activité géothermale dans cette région de Geysir remonte à environ 10 000 ans, époque à laquelle ont eu lieu les premières éruptions du volcan Laugarfjall. En 1772, Le Grand Geysir se manifestait toutes les 30 minutes, un siècle plus tard, ce n’était plus que tous les 20 jours. Aujourd’hui, il ne réagit que lors des éruptions provoquées, comme le faisait Maurice Krafft, célèbre volcanologue français en déversant du produit vaisselle afin de générer le phénomène de dépression et le début de la vaporisation … Pour tous les visiteurs actuels, seul le Geyser Strokkur, débouché artificiellement, est aujourd’hui actif et lance régulièrement son panache dans le ciel islandais pour le plus grand plaisir des touristes.
Nous passons plus de 45 minutes à observer le phénomène. Entre chaque éruption, l’eau à la surface de la vasque est secouée de soubresauts. Parfois on croit que la bulle arrive, le niveau de l’eau s’élève brusquement comme si le geyser s’apprêtait à vomir sa vapeur mais le phénomène s’atténue rapidement et le niveau redescend immédiatement. Fausse alerte une première fois, une deuxième, puis une troisième et par manque de concentration on loupe la quatrième qui était la bonne pour la photo ! Pas de chance, il faut à présent patienter encore de longues minutes avant d’avoir droit à une nouvelle chance. Le site est très fréquenté et obtenir un angle sans voir tous les autres touristes sur la photo n’est pas aisé. Plus d’un million de visiteurs par an se sont rendus ces dernières années en Islande et ce chiffre ne cesse d’augmenter avec une croissance annuelle de l’ordre de 25%. Geysir est un incontournable et la masse de visiteurs très importante. Symbole de cette mutation vers le tourisme, la construction à côté du site d’hôtels et de magasins… tout cela n’existait pas à une telle échelle il y a encore 5 ans.
Troisième étape, la cascade d’or de Gullfoss. Le ciel s’est bien assombri, en plus du froid, la pluie se met à tomber. Le parking est ici aussi plein et il faut patienter pour trouver une place. En attendant que la pluie cesse, un petit tour dans les magasins attenants. On y trouve à la vente des fourrures de renards polaires, de mustelidés, de loups… on ne cautionne pas. Profitant d’une accalmie, on s’approche des chutes. L’eau de la rivière Hvita n’est pas des plus cristallines. Elle charrie énormément de matière en suspension d’origine glaciaire ce qui lui donne un aspect boueux et des teintes d’un léger vert glacial. Il faut faire la queue pour avoir une place au bord de la rambarde et faire une mauvaise photo sous cette lumière faiblarde…
2 minutes après, nous sommes sur le départ.
Nous quittons ce secteur. Cap au sud vers la péninsule de Reykjanes où de nombreuses manifestations volcaniques moins courues sont visibles. Le long de la route, nous croisons de nombreux chevaux (où poney ?) appartenant à la fameuse race islandaise.
En Islande, l’importation d’autres races de chevaux est interdite, ceci afin de préserver le pool génétique de la race locale. Une des originalités du cheval islandais, il est le seul, pour les connaisseurs, à posséder cinq allures.
La pluie ne nous lâche pas tout au long de la route et la visite des sites de Reykjanes se fait rapidement. Des solfatares ici, des lacs turquoise et les champs de lave sont expédiés.
De retour vers Reykjavik, nous humons une « bonne odeur » de poisson. A quelques distances de la route, un gros séchoir accueille des milliers de morues. Elles serviront à faire l’une des spécialités islandaises, du poisson séché … (la gastronomie islandaise n’est pas réputée et l’on comprend pourquoi !)
Après un repas pizza dans un restaurant, nous rejoignons le phare de Gardur, là où a commencée notre aventure islandaise il y a une dizaine de jours. Avant de mettre le nez dans le duvet (ou la couverture), petit coup d’œil en mer. Rien de comparable au niveau passage d’oiseaux marins. Cette fois-ci, pas de Fou de Bassan, pas de Puffin des anglais, pas de Fulmars boréaux, on se contentera des familles d’Eiders à duvet barbotant sur la plage. Demain, le vol de retour nous attend. Cette parenthèse islandaise aura vraiment été un bol d’air frais et l’occasion de nombreuses découvertes aussi bien paysagères que faunistiques. Il faudra revenir car de nombreux territoires de cette ile perdue sont encore à découvrir.