Dimanche 5 juin 2016
Enfin des conditions propices ! Après des semaines où le vent s’est acharné à souffler le week-end rendant impossible toute sortie maritime, ce dimanche 05 juin, il a marqué un répit. Nous sommes donc environ 80 personnes à embarquer sur la Croix du Sud au départ de Sanary avec l’équipe de Découverte du Vivant pour la première sortie cétacés de la saison 2016. Les premières formes vivantes sont contactées juste après avoir doublé les iles des Embiez. Un aileron frappe la surface de l’eau à environ 100m à tribord. Attitude typique du Poisson lune qui en début de saison s’observe facilement au large du Var. Quelques centaines de mètres plus loin, nous en repérons un deuxième, à bâbord cette fois-ci. Nous ne nous arrêtons pas car on sait que l’on va en contacter d’autres sur notre trajectoire. Bingo, deux autres sont repérés 300 m devant le bateau dans une zone de courant. Ils ont l’air bien plus gros.
Ce poisson capable d’atteindre pour les plus beaux spécimens plus d’une tonne pour un diamètre de 3 m est connu pour être le poisson osseux le plus lourd au monde. Il n’est pas très beau, semblant n’avoir qu’une tête en guise de corps avec de part et d’autre, une nageoire qu’il fait osciller de droite à gauche pour se déplacer. Autre particularité, il ne possède pas d’écailles mais des épines et un épais mucus en guise de revêtement. Nos spécimens d’aujourd’hui n’atteignent pas ces dimensions hors norme car seuls les vieux individus y parviennent, en effet ce poisson poursuit sa croissance tout au long de sa vie. Attiré par la présence de ces deux poissons en surface, un Goéland leucophée s’est approché. Les poissons ne semblent pas gênés par la présence de l’oiseau, ils ne fuient pas à son approche. Bien au contraire, c’est une forme de mutualisme. Le Goéland donne des coups de bec, non pas pour blesser le poisson mais pour le débarrasser de ses parasites.
Une première alerte pour des ailerons, ce sont bien des Dauphins des bleus et blancs qui croisent notre route. Un peu joueurs, ils s’approchent du bateau et trois individus viennent surfer dans les vagues juste le temps de tenter quelques photos, puis ils s’éloignent. Rapidement, nous retombons sur un autre groupe. Des femelles accompagnées de jeunes, ils viennent à l’étrave avant de disparaitre derrière nous.
De nouveau des Poissons lunes profitant du soleil près de la surface de l’eau. S’ils ont un métabolisme lent et une vitesse de déplacement lente, c’est en raison de leur régime alimentaire particulier. Le Poisson lune se nourrit principalement de méduses et en cette époque de l’année, les courants marins et le vent ramènent vers nos côtes provençales différentes espèces dont des pélagias et des Vélèlles.
Ces dernières sont bien présentes aujourd’hui. On les repère à la surface de l’eau car elles flottent et donnent l’impression que l’eau est couverte de bulles d’air. A y regarder de plus près, ces méduses ont la forme d’un petit bateau (d’où leur autre nom de « barque de la Saint Jean ») surmonté d’une voile, élément locomoteur indispensable. Elles se laissent donc dérivées au gré des courants et du vent et s’échouent parfois en masse sur les plages et les criques des côtes varoises. Les Poissons lunes, friands de ces organismes suivent donc leurs déplacements. Si on se pose la question de l’apport énergétique d’une telle méduse, il est infime car ces organismes sont constitués à plus de 98% par de l’eau et seulement 2% de protéines … Pour les poissons lunes, il faut manger de grandes quantités de ces Cnidaires pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Si la nourriture n’est pas très énergétique, une autre stratégie consiste à limiter les dépenses et le stationnement en surface est un moyen efficace pour récupérer des calories sans effort.
En ce début de journée, la proximité des Iles d’Hyères est propice à l’observation du Puffin yelkouan. C’est en effet sur ce chapelet d’iles que se trouve 80% de la population française de ce petit Procélariidé. Par petits groupes de 3 à 13 oiseaux, ils filent tous vers l’Ouest au ras des flots, enchainant longues séries de battements d’ailes et courts planés.
La saison de reproduction bat son plein pour cette espèce qui ravitaille les jeunes poussins au nid durant la nuit. La journée, les adultes sont au large et s’éloignent parfois très loin du site de reproduction pour aller rechercher les petits poissons de surface dont ils se nourrissent. Moins nombreux sont les Puffins cendrés, reconnaissables à leur taille plus importante, et à leur vol chaloupé, faisant penser à une sorte de grosse Chauve souris volant avec peine. Toutefois, dès que le vent se lève, il esquisse un sourire au coin des commissures et se joue alors des vagues et du vent avec une aisance surprenante, décrivant au dessus des flots qui se déchainent de grands orbes. Lui niche plutôt sur les iles de Marseille, sur l’archipel de Riou mais aussi sur celui du Frioul. Nous en verrons 6 au cours de la journée.
A midi le nombre de Dauphins bleu et blanc observé s’élève à 61 en 5 groupes différents. Dans l’ensemble ils sont assez joueurs, car si nous maintenons une distance de non dérangement, eux n’hésitent pas à venir en quelques bonds nager à l’étrave et pour d’autres surfer dans les vagues à l’arrière du bateau. Surprenante est cette observation de Caille des blés passant dans notre champ de vision alors que l’on observe les dauphins. c’est un migrateur tardif a qui, il reste 29 km à parcourir avant d’atteindre la côte.
Alors qu’il est l’heure pour nous de manger, (la mer ça creuse !) le ballet des Dauphins ne s’arrête pas. Un groupe diffus d’une cinquantaine d’individus se profile sous l’horizon. Ils sont calmes et font route vers le nord-est. Les apnées sont régulières et l’on distingue des jeunes. Nous restons à distance et notre présence ne semble pas les intéresser plus que ça ! Nous restons en standby pour les observer et eux aussi stoppent leur déplacement et prennent position de ce carré de mer. Nous avons bien fait de patienter, un souffle de baleine est détecté dans nos 6 heures. Nous sommes passés au dessus d’un Rorqual lors de son apnée sans nous en rendre compte. 5 à 6 respirations en surface puis il s’enfonce sous les eaux pour 12 minutes avant de refaire surface plus loin. Il suit une trajectoire rectiligne vers l’est en enchainant des apnées. Après la 6ème et s’être bien fait plaisir à l’observer nous laissons ce géant des mers poursuivre seul son périple.
Jusque vers 15h20, Dauphins bleus et blancs, Puffins cendrés et de Méditerranée ainsi qu’un Poisson lune se relaient autour du bateau pour notre plus grand plaisir. Pas vraiment le temps de se poser. L’approche du canyon de Cassis nous offre un moment de répit où durant 45 minutes, il n’y a, mise à part le passage de deux goélands, pas âme qui vive. La mer méditerranée est un vaste désert et il faut la parcourir durant de longues heures pour trouver la bonne oasis de vie. Le canyon se révèle très calme. Pourtant c’est souvent ici que l’on croise un autre géant des mers : Le Cachalot. Apnéiste hors pair, il recherche les grandes profondeurs pour se nourrir. Les zones de tombants abrupts comme le canyon de Cassis offre des sites de chasse favorables à la capture des calmars, sa proie de prédilection. Nous ne parviendrons pas à en détecter mais il faut dire que ses apnées dépassent les 40 minutes, il est donc facile de passer à côté. Nous prenons le chemin du retour avec pour azimut le Cap Sicié tout en suivant l’isobathe des 1500 m afin de se donner le maximum de chance de croiser soit du cachalot soit une autre espèce qui nous échappe depuis longtemps, le Dauphin de Risso. Rien de tout ça pour aujourd’hui, juste un nouveau groupe de Dauphins bleu et blanc, ce qui porte à environ 180, le total d’individus pour cette journée. Pas mal !