Vendredi 06 mai 2016

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Comme prévu nous attaquons cette journée sur les hauteurs de Barcaggio. Les Fauvettes méditerranéennes ne sont pas très actives au lever du jour.  Nous traversons les pelouses et ce matin encore, les Traquets motteux de la veille sont encore là et même plus nombreux. Ils sont 5 auxquels se sont joints 3 Pipits rousselines. Nous patientons durant une heure à proximité d’un perchoir utilisé la veille par un mâle de Fauvette sarde mais en vain. Ce matin, les mâles de sarde sont bien calmes. Cette espèce est attractive pour l’ornithologue en raison de son aire de répartition limitée à la Corse et la Sardaigne ainsi que de quelques îles et îlots des environs. De comportement similaire à la Fauvette pitchou, elle s’en distingue par un plumage gris ardoisé du plus bel effet. Nous rebroussons chemin, traversons à nouveau les pelouses qui se sont entre temps chargées en migrateurs. Une dizaine de Tariers des près a temporairement élu domicile dans les zones dégagées et sur les buissons voisins à partir desquels ils s’élancent pour capturer l’insecte insouciant.

Tarier des prés, Cap corse
Tarier des prés, Cap corse
Tarier des prés, Cap corse
Tarier des prés, Cap corse
Tarier des prés, Cap corse
Tarier des prés, Cap corse

Aux alentours de la voiture, nous contactons de nouveaux migrateurs. Rougequeues à font blanc, Gobemouches gris, Bergeronnettes printanières, Pouillots de Bonelli et fitis, Pipit des arbres, Fauvette grisette se joignent à un Venturon corse. Ce Venturon possède aussi une aire de répartition très limitée quasiment identique à celle de la Fauvette sarde. Malgré nos efforts, nous ne parviendrons pas à faire une belle observation. Nous passons un peu de temps à tenter de faire des photos des autres passereaux avec plus ou moins de chance selon les espèces. Les Fauvettes de Moltoni se réveillent enfin et des buissons longeant la route s’élève son chant mélodieux.

Alors que l’on ne s’y attend plus, une Fauvette sarde vient se poser près de nous. Le petit vent qui s’est levé fait osciller les branches devant l’oiseau et il faut attendre « une ouverture » pour déclencher. Ce sera notre seule photo de sarde du week-end !

Fauvette sarde, Cap corse
Fauvette sarde, Cap corse

Comme hier, nous gagnons le bord de mer et l’embouchure du ruisseau acque tignese. Rien de bien intéressant dans la végétation riveraine, en revanche, trois espèces de martinets survolent la pièce d’eau créée par l’accumulation des feuilles de posidonies. Noirs, pâles et à ventre blanc viennent s’abreuver avec une technique assez acrobatique. Puisque ces oiseaux  ne se posent quasiment jamais au cours de leur vie (excepté durant la période de reproduction), ils effectuent toutes les autres taches en volant, que ce soit pour s’abreuver, s’accoupler ou dormir!

Martinets noirs, Cap corse
Martinets noirs, Cap corse

Indifférent, un petit troupeau de vaches corses se prélassent sur le lit de Posidonies. Ce n’est donc pas un mythe, il y a bien des vaches de plaine en corse ! (voir l’article de 1995 de Libération :  http://www.liberation.fr/futurs/1995/06/13/paris-se-met-hors-la-loi-pour-les-vaches-corses-bruxelles-avait-interdit-les-primes-aux-eleveurs-ins_134906)

L'île de la Giraglia, Cap corse
L’île de la Giraglia, Cap corse

Nous poursuivons la balade sur la plage en direction de la Tour d’Agnello. Le vent s’est renforcé et nous cherchons l’abri des buissons de l’arrière dune. Ici le soleil chauffe bien, des conditions propices pour les reptiles. Les Lézards siciliens sont en pleine activité de chasse et cette Cicindelle champêtre malgré sa vélocité, finit entre les mâchoires du saurien.

Lézard sicilien Cap corse
Lézard sicilien Cap corse
Lézard sicilien, Cap corse
Lézard sicilien, Cap corse
Lézard sicilien dévorant une cicindelle champêtre
Lézard sicilien dévorant une Cicindelle champêtre

Au milieu de la végétation en fleurs, l’un des prédateurs sur l’île des lézards, la Couleuvre verte et jaune se tient aussi à l’agachon. Un individu immature d’environ 70 cm “détale” devant nos pas et se réfugie dans un petit buisson où se sont  amoncelées des Posidonies. Il nous faudra quelques instants pour parvenir à la repérer tant ses capacités cryptiques sont grandes. Difficile à voir en Provence, ce serpent est bien répandu en Corse, territoire qu’il partage avec deux autres espèces (la Couleuvre à collier et la Couleuvre vipérine), mais celles-ci étant davantage inféodées aux milieux humides. Adulte, la couleuvre verte et jaune atteint les 1,20m et certains spécimens 1,50m.

Cistes, Cap corse
Cistes, Cap corse
Glaïeul, Cap corse
Glaïeul, Cap corse
Couleuvre verte et jaune, Cap corse
Couleuvre verte et jaune, Cap corse

Un groupe d’Hirondelles rustiques fait son apparition, elles font du vol en rase motte, cueillant les moindres insectes qui recherchent l’abri du vent. Elles disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues.

L'île de la Giraglia, Cap corse
L’île de la Giraglia, Cap corse

Une petite crique sableuse aux eaux turquoise, voilà un bon endroit pour observer la migration les pieds dans l’eau. En cette mi-journée,  des Busards des roseaux après avoir traversé toute l’ile arrivent à l’extrémité du cap. Ce sont essentiellement des immatures de 2ème année qui migrent en cette fin de saison. Ils cerclent au dessus de nos têtes, prenant les derniers courants thermiques avant de s’élancer au dessus de la mer. Une fois au dessus des eaux, ils ne pourront plus s’aider de ces courants d’air chaud pour effectuer du vol à voile et seront contraints de changer de mode de vol. Pas de problème pour le Busard des roseaux, qui, comme pour les autres espèces de busards possède une faible charge alaire et de longues ailes lui permettant d’alterner vol à voile, vol glissé et vol battu entrecoupé de glissades. Cette plasticité lui permet de migrer y compris lorsque les conditions thermiques ou de vent sont peu favorables. Il n’est donc pas contraint de suivre les côtes et migre sur un large front, traversant de grands bras de mer. Un Faucon sombre effectue le même manège, prend rapidement les thermiques et tracent droit vers le large. C’est un mâle de Faucon kobez, une espèce migratrice effectuant une migration en boucle, remontant par l’ouest au printemps et redescendant lors de la migration d’automne par l’est de l’Europe. Parmi les autres migrateurs de cette journée, nous notons un Busard cendré et plusieurs troupes de Guêpiers d’Europe. Parmi  les locaux, une aigrette garzette chasse sur le bord de plage avant de changer de secteur de chasse.

Aigrette garzette, Cap Corse
Aigrette garzette, Cap Corse

Retour à Barcaggio vers 14h et le parking où nous avons laissé la voiture. Alors que l’on s’apprête à mettre le contact, un couple de gens en train de pique-niquer nous signale la présence d’un héron en train de capturer des petits poissons.  Parfaitement camouflé avec son plumage jaune et noir, un mâle de Blongios nain, hôte farouche et discret de nos roselières se tient ici parfaitement à découvert, profitant des teintes chaudes des feuilles de posidonies pour passer inaperçu. A pas lent, il avance au bord de l’eau pour se positionner, le cou rentré mais prêt à se détendre pour happer ou transpercer sa proie. Parfois, il nous tourne le dos et là encore il se confond parfaitement avec son milieu, les plumes du dos noir se confondant avec le sombre de l’eau de l’Aquae tignese. De nos vingt ans d’ornithologie, il s’agit là certainement de notre plus belle observation de Blongios.

Blongios nain, Cap Corse
Blongios nain, Cap Corse
Blongios nain, Cap Corse
Blongios nain, Cap Corse
Blongios nain, Cap Corse
Blongios nain, Cap Corse

Chardonnerets et Moineaux cisalpins rejoignent à leur tour les bords du ruisseau pour venir s’abreuver. Les brumes de chaleurs sont bien présentes et il n’est pas facile de faire de jolies photos. Réfugiés dans les tamaris les oiseaux descendent le temps de quelques lampées avant de retourner vers le village. Notre dernière observation sur Barcaggio sera un adulte de Balbuzard pêcheur provenant du couple voisin dont l’aire, érigée sur un promontoire rocheux, domine la baie.

Moineau cisalpin, Cap Corse
Moineau cisalpin, Cap Corse
Moineau cisalpin, Cap Corse
Moineau cisalpin, Cap Corse
Cap corse
Cap corse
L'île de la Giraglia, Cap corse
L’île de la Giraglia, Cap corse

Un long trajet nous attend  à présent puisqu’il faut finir le tour du cap et ensuite rentrer à l’intérieur des terres, direction les montagnes corses. La route qui serpente le long des falaises et des versants montagneux du cap est tout simplement splendide ! A perte de vue, la mer et un sentiment de quiétude en cette belle journée. Nous effectuons un premier arrêt au village de Centuri. Réputé pour son port construit au creux d’une petite crique, il offre la possibilité d’un moment de détente  et pour les amateurs, des restaurants dont le met principal est la Langouste. Centuri est en effet le principal port de pêche de langoustes de Corse. Un peu trop touristique à notre goût et pas beaucoup d’oiseaux en cet après-midi, nous continuons notre chemin. Les villages perchés et les virages s’enchaînent et parfois au détour de l’un d’eux, quel plaisir de découvrir une petite crique aux eaux turquoise.  On y rajouterait un palmier ou un cocotier et l’on se croirait sur une île paradisiaque du bout du monde…

Village du Cap corse
Village du Cap corse
Cap corse
Cap corse
Cap corse
Cap corse
Cap corse
Cap corse

Une tour génoise, une plage de sable noir et une embouchure formée par une rivière, voila de quoi nous intéresser. Nous quittons la route principale pour rentrer dans la partie côtière  du village d’Ogliastro. On y trouve des petits restaurants et une aire de camping d’accès libre. Les emplacements sont situés sous des vieux tamaris juste en bordure de la rivière U Guadu grande. Le paysage qui nous entoure est façonné par deux types de roches. En bord de mer,  des schistes s’effritant sous l’effet de l’érosion tandis que les sommets escarpés des environs sont dus à la présence d’Ophiolites, une roche plus résistante et pour l’amateur de géologie, plus intéressante aussi. Les Ophiolites corses sont des vestiges de roches magmatiques métamorphisées qui constituaient la croûte océanique d’un ancien océan. Lors de la surrection des Alpes, la collision des masses continentales a détachée des écailles du fond de l’océan qui se sont retrouvées poussées vers les sommets. Habituellement, ces roches océaniques restent en profondeur en raison de leur densité plus élevée que les roches constituant la croute terrestre mais lors de phénomènes géologiques particuliers, elles se retrouvent à l’air libre . Ces Ophiolites sont donc un accès direct pour comprendre la structuration de la lithosphère terrestre.

Plage d'Ogliastro, Cap corse
Plage d’Ogliastro, Cap corse
Plage d'Ogliastro, Cap corse
Plage d’Ogliastro, Cap corse
U guadu grande
U guadu grande

Au bord de notre rivière, nous sommes agréablement surpris par la présence de passereaux migrateurs. Du Pouillot fitis, des Gobemouches gris (de loin les plus nombreux), un Gobemouche noir, une Fauvette grisette et un Pouillot siffleur exploitent les petits insectes attirés par la présence d’eau. En quittant le site, nous découvrons un nid de pic épeiche creusé dans une branche morte de  l’un des vieux tamaris. Les adultes sont en plein ravitaillement, effectuant d’incessants aller-retours.

Gobemouche gris, Cap Corse
Gobemouche gris, Cap Corse
Gobemouche gris, Cap Corse
Gobemouche gris, Cap Corse
Cap corse
Cap corse

Vers 18h30, nous sommes à Saint-Florent à partir d’où, nous empruntons une petite route de montagne en direction du col de Bigorno. Nous effectuons le trajet de nuit. La route tortueuse grimpe régulièrement jusqu’au col à 885 m traversant des milieux variés dont des châtaigneraies. Deux Engoulevents d’Europe surpris par nos phares, décollent devant nos roues. Nous sommes seuls sur cette route, qui ne doit pas être très fréquentée de jour…mais alors de nuit ! Le versant sud du col contraste par son côté abrupt. Au hameau de Lento, nous réalisons une séance d’écoute très fructueuse en Petit-duc scops. Au moins 5 chanteurs se répondent dans la vallée dont un juste au dessus de notre tête. Ce n’est pas tous les jours que nous contactons autant de chanteurs depuis un seul point d’écoute. Nous immortalisons cet instant par un enregistrement sonore.

Nous effectuons plusieurs arrêts tout au long de cette route départementale et à chaque fois, il y a du Petit-duc. Les densités dans cette région de Corse sont vraiment impressionnantes.  Nous rajoutons à la liste des nocturnes de la soirée le Hibou moyen-duc dont les cris de jeunes nous parviennent depuis le fond d’un vallon. Le dernier Petit-duc scops de la soirée se laissera observer et photographier près d’un village dont le nom m’a échappé… alors que nous tentons de l’enregistrer, le clocher se met à sonner…

Petit-duc scops, Corse
Petit-duc scops, Corse

Vers 00h30, nous arrivons dans les environs de Vizzavone. Il est temps de dormir, nous sommes crevés !

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