Chaque printemps, nous assistons au retour des hirondelles, grandes migratrices trans-sahariennes, qui, l’hiver venu, rejoignent des contrées plus clémentes où elles trouveront les ressources nécessaires pour s’alimenter. Aussi, avons-nous coutume d’interpréter nos premières observations comme le signe annonciateur des beaux jours. Pourtant … une hirondelle ne fait pas le printemps.
Cette expression apparaît dans l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, au livre I, chapitre 6 où le philosophe définit la vie de bonheur, conforme au Souverain Bien. Le bien pour l’homme repose sur l’activité la plus vertueuse, c’est-à-dire la vie contemplative. Mais à ce stade de la réflexion, la définition du bonheur semble incomplète. Aristote ajoute alors : “et cela dans une vie accomplie jusqu’à son terme, car une hirondelle ne fait pas le printemps, ni non plu un seul jour : et ainsi la félicité et le bonheur ne sont pas davantage l’œuvre d’une seule journée, ni d’un bref espace de temps”. Ce n’est donc qu’à la fin de la vie d’un homme que nous pouvons juger de son bonheur. Mais Aristote ignorait le phénomène migratoire et pensait que les hirondelles s’enterraient dans les zones marécageuses où elles passaient l’hiver. Ces oiseaux semblent avoir longtemps fasciné les philosophes qui les prennent comme modèle de ponctualité : Descartes les compare à une véritable horloge, argument qui vient à l’appui de sa thèse – par ailleurs insoutenable – des animaux machines.
Mais si une hirondelle ne fait pas le printemps, qu’en est-il d’une nuée ?